Publié dans le Quotidien Jurassien le 21 novembre 2025

Le manaint enviou di saivaint

Ïn manaint voit ïn saivaint
Que yi pairât téte bïn pyeinne
Poéche que l’hanne peut yére èt qu’è réve en laitïn.
Le poûere manaint ne sait que le nom de sa pyainne.
Èl en cheut tos les tchemïns.

Ah, cment qu’èl ainmerait étre inchtru lu âchi,
Graiy’naie sai seingne â bés des pairtchemïns,
Enseingnie lai yéjure és djûenes nobyes afaints
Putôt que d’ s’éroéy’naie en bésaingnes èt crovèes.

Lâs-moi, è dait poénie, è dait airaie lai tiere,
Maîtcheyie son noi pain â fond de son bacu.
Not’ manaint trove le soûe trop mâdjeute
Que l’é fait nâtre manaint, sâvaidge èt mâlri.

Ses déchendaints dyiraint : È moûe les pochédaints !
Mains lu s’ujaint â traivaiye,,
 prix d’èffoûes èt de chuous,
Envie son boûebe â collédge.

Note
mâlri, fruste

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Le manant envieux du clerc

Un manant voit un clerc
Qui lui paraît tête bien pleine.
Car celui-ci peut lire et qu’il rêve en latin.
Le pauvre manant ne sait que le nom de sa plaine
Dont il arpente les chemins.

Ah, comme il aimerait être instruit lui aussi,
Mettre sa signature au bas des parchemins,
Enseigner la lecture aux jeunes enfants nobles
Plutôt que de s’épuiser en besognes et corvées.

Hélas, il doit peiner et labourer la terre,
Grignoter son pain noir au fond de sa chaumière.
Notre manant trouve le destin trop injuste
Qui l’a fait naître manant, inculte et fruste.

Ses descendants diront : À mort les possédants !
Mais lui s’esquintant au labeur,
Au prix d’efforts et de sueurs,
Envoie son garçon au collège.

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