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Publié : 1er février 2020

Enfants, s’il vous plaît, n’agissez jamais ainsi…

Afaints, ch’vôs piaît, n’ faites dj’mais dïnche… !

Afaints, ch’vôs piaît, n’ faites dj’mais dïnche… !

Vôs saîtes que d’ aivége, i n’ ainme pe djâsaie de ç’ que vait de chrégue. Mains adj’d’heû, mon tiûere ât che pajaint, che meûtri, qu’ i vôs d’mainde, chérs patoisaints l’ aimis, d’ m’ édie è l’ dégonçhaie, è l’ faire è r’bômâtre lai trich’tèche qu’ èl ât piein. Ènne braîve aîdjôlatte fanne, i lai veus aipp’laie Maidyi (mains ç’ n’ ât p’ son vrâ nom), v’nié è y é è pô prés quairante ans en Lai Tchâ-d’Fonds, po édie sai soeûr que tchoiyé aiveuye en botaint â monde ïn trâjieme afaint. Èlle pregné tot l’ tieûsain d’ lai famille de sai soeûr. Quéques l’ annèes d’ aiprés, èlle se mairié pe eut bïn chur des afaints. Lai voili qu’ daivé mit’naint chubveni en lai boinne mairtche de dous familles. L’ temps péssé, ses n’veus pe ses afaints grantéchainnent è cheuyainnent yôs seingnes tch’mïns. Son hanne étaint moûe, la Maidyi eurpregné le d’tchus en v’niaint en nôs lôvrèes d’ patois. Ç’ ât en ci temps-li qu’ nôs ains aippris è lai coégnâtre. Mon Dûe, qu’ nôs étïns hèy’rous d’ voûere son sôri, d’ détieuvri lai sentou d’ son patois de Hâte-Aîdjoûe dains les r’contes qu’ èlle graiy’nait. Aimoéreûse di patois, èlle c’maindé è y é trâs ans l’ glossére frainçais-patois qu’ i graiy’nôs. Malhèy’rousment, lai péssèe l’ annèe, ses afaints lai botainnent dains ènne mâjon d’ véyes. I l’ saivôs pochqu’ i l’ aî r’vu quéques côps en vèlle. Tiaind qu’ le glossére ât soûetchi, i y’ poétché. Ô qu’ çoli m’ fait piaîji, m’ dié-t-èye, i te r’mèchie, è i veus d’maindaie des sôs en mai baîchatte po t’ le paiyie. Ç’ ât li qu’ tot s’ ât diaîtè. Dous côps, i seus t’ aivu la r’voûere. Pe traice de sai baîchatte, mains l’ doujieme côps, lai Maidy m’ dié : « Mon poûere afaint, i n’ sais p ç’ qu’ i fais poi chi i n’ seus pus ran, pe les ch’rïndyouses (infirmières) m’ aint raivi mon glossére ! ». I lai r’boté d’ mon meu, léché mon nim’ro d’ laividjâse pe d’maindé en note Maidyi d’ dire en sai baîchatte de m’ aipplaie. Ç’té-ci m’ laividjâsé en m’ diaint que ç’tu qu’ s’ otiupait des aiffaires d’ lai Maidyi ne v’lait p’ déboéchie ç’te samme (piepe ceint fraincs), qu’ les ch’rïndiouses trovïnt qu’ sai mére predjait lai bôle, qu’ èlle était trop véye po yére, pe chutôt, qu’ i n’ daivôs p’ djâsaie d’ çoli en lai Maidyi. Afaints, ch’ vôs piaît, n’ faites d’jmais dïnche… ! Mai graingne péssèe, i r’viré vés ç’te mâjon d’ véyes. I n’ étôs piepe entrè dains l’ poiye de ç’te poûere fanne qu’ ènne ch’rïndyouse m’ aippoétchait l’ yivre en m’ diaint en l’ araye : « Lai baîchatte d’ lai Maidyi n’ veut p’ paiyie ci glossére ». È bïn qu’ i y’ dié, i l’ euffre en ç’te daimme. Note Maidyi m’ sâté â cô, m’ embraissé, s’ boté è pûeraie, m’ pregné les mains pe djermeûjé : « Qu’ â ç’ qu’ i aî fait â Bon Dûe po daivoi vétçhie çoli ? ». J-M. Moine

Enfants, s’il vous plaît, n’agissez jamais ainsi… !

Vous savez que d’habitude, je n’aime pas parler de ce qui va mal. Cependant aujourd’hui, mon cœur est si pesant, si meurtri, que je vous demande, chers amis patoisants, de m’aider à le dégonfler, à le faire vomir la tristesse dont il est plein. Une brave femme ajoulote, je l’appellerai Marie (mais ce n’est pas son vrai nom), vint à La Chaux-de-Fonds, pour aider sa sœur qui devint aveugle en mettant au monde un troisième enfant. Elle prit tout le souci de la famille de sa sœur. Quelques années après, elle se maria et eut bien sûr des enfants. La voilà qui dut maintenant subvenir à la bonne marche de deux familles. Le temps passa, ses neveux et ses enfants grandirent et suivirent leurs propres chemins. Son mari étant mort, Marie reprit le dessus en venant à nos soirées de patois. C’est à cette époque que nous apprîmes à la connaître. Mon Dieu, que nous étions heureux de voir son sourire, de découvrir la saveur de son patois de Haute-Ajoie dans les histoires qu’elle écrivait. Amoureuse du patois, elle commanda il y a trois ans le dictionnaire français-patois que j’écrivais. Malheureusement, ses enfants la mirent l’année passée dans une maison pour personnes âgées. Je le savais puisque je l’ai vue quelques fois en ville. Quand le dictionnaire a paru, je le lui portai. Oh que cela me fait plaisir me dit-elle, je te remercie, et je demanderai de l’argent à ma fille pour te le payer. C’est à partir de là que tout s’est gâté. Deux fois je suis allé la revoir. Pas trace de sa fille, mais la seconde fois, Marie me dit : « Mon pauvre enfant, je ne sais pas ce que je fais par ici, je ne suis plus rien, et les infirmières m’ont pris mon dictionnaire ! ». Je la consolai de mon mieux, laissai mon numéro de téléphone et demandai à Marie de dire à sa fille de m’appeler. Celle-ci me téléphona, me disant que celui qui s’occupait des affaires de Marie ne voulait pas débourser cette somme (même pas cent francs), que les infirmières trouvaient que sa mère perdait le nord, qu’elle était trop vieille pour lire, et surtout que je ne devais pas parler de cela à Marie. Enfants, s’il vous plaît, n’agissez jamais ainsi… ! Ma colère passée, je retournai au home. Je n’étais pas encore entré dans la chambre de cette pauvre femme, qu’une infirmière m’apportait le livre en me disant à l’oreille : « La fille de Marie ne veut pas payer ce dictionnaire ». Eh bien lui dis-je, je l’offre à cette dame. Marie me sauta au cou, m’embrassa, se mit à pleurer, me prit les mains et murmura : « Qu’ai-je fait au Bon Dieu pour devoir vivre cela ? ».