Par : Fleury LJ
Publié : 31 octobre 2013

La croix

Lai crou

Jean-Marie Moine

Paru dans Arc Hebdo, 31 octobre 2013

Lai crou

L’ d’rie dûemoinne, i seus raivu dains mon v’laidge de Mont’gnez. È y aivait ènne échqu’pojichion chus les trésoûes d’ lai tchaimbratte di môtie. I seus t’ aivu ébâbi de r’trovaie ces leitourdgitçhes vétures, ces saicrès l’ oubjèctes, ces gralies, graiduâs, aintivoûenéres…. Ç’ ât l’ aibbé Monnerat qu’ était tiurie è Mont’gnez, pe qu’ pregnait lai poinne d aippare és sèrvaints d’ mâsse, les frainçais noms de tot ç’que s’trovait â môtie. D’vaint tchétçhe envèllie d’ l’ évêtçhe, note tiurie nôs aippregnait è yi péssaie dains l’ daidrèt l’ oûedre totes ses leitourdgitçhes vétures : l’ churpyis, lai coûedj’liere… L’ djoué d’ l’ envèllie, nôs les bèyïns en M’ssieu l’ tiurie qu’ les prejentait encheûte en l’ évêtçhe, di temps qu’ les dous éccléjiach-tiques mairmeûjïnt des prayieres en laitïn. En ç’t’ échqu’pojichion, i aî r’yevè tos ces noms qu’ i ’n aivôs rébyè pus d’ yun. Ç’ ât dannaidge qu’ note tiurie nôs n’ aiveuche pe dit les patois noms d’ tot çoli. È nôs d’moére ïn tot grôs traivaiye è faire… ! Pochque vôs saîtes, i seus chur qu’ vés déjeûte cents, les tiuries d’ nôs jurassiens v’laidges coégnéchïnt ces patois noms. En tot câs, è y é ïn patois mot â moins qu’ ât d’moérè : ç’ ât l’ caqu’maiyat. Tos les dgens qu’ étïnt li aint dit, « Ah, ïn caqu’maiyat » (È sanne qu’ è Graindfontainne, ès dyïnt ïn tapa). In caqu’maiyat, ç’ ât ènne soûetche de maitché, d’ maiyat en bos, montè chus ïn laivounat qu’ an tïnt poi ïn maintche, pe qu’ en le chcouaint, fait ïn tot piein foûe è sat brut. Ç’ ât daivô des caqu’maiyats qu’ les afaints aipplïnt les dgens è allaie â môtie, les djoués d’ lai grante s’nainne, tiaind qu’ les çieutches étïnt paitchi è Rome ! Pe l’ hichtoire de crou ? È bïn lai-voichi ! Ïn côp, qu’ lai crou d’lai sen d’ Graindgoué s’ était boté è daindg’rouj’ment brâlaie, l’ tiurie Monnerat d’maindé à maiç’nou di v’laidge, en ci Paul, d’lai r’botaie bïn en oûedre. Ci Paul déchmonté tot lai crou, d’vaint d’lai bïn r’montaie. Note tiurie allé voûere lai raivalèe crou. L’ Paul que finéchait l’ traivail dié â tiurie : - vôs v’lèz voûere, mit’naint èlle ât r’jippainne. Malhèy’rouj’ment, ci Paul aivait botè l’ croûejiyon d’lai croûeye sen. L’ maiç’nou daivé rècmencie tot ci traivaiye. È r’nondé bïn ïn pô : niun n’ sait yére ç’ qu’ ât graiy’nè en laitïn chus ç’te crou. Mains tiaind qu’è r’ceyé, en pus d’ sai paiye, doûes boinnes botayes, ènne po l’premie traivail, ènne po le ch’cond, è dié en note tiurie : - ch’ vôs le v’lèz, i peus rècmencie encoé ïn côp… ! {J-M. Moine}

La croix

Dimanche dernier, je suis allé à nouveau dans mon village de Montignez. Il y avait une exposition sur les trésors de la sacristie. J’ai été étonné de retrouver ces ornements liturgiques, ces objets sacrés, ces missels, graduels, antiphonaires… C’est l’abbé Monnerat qui était curé à Montignez, et qui prenait la peine d’apprendre aux servants de messe les noms français de tout ce qui se trouvait à l’église. Avant chaque visite de l’évêque, notre curé nous apprenait à lui passer dans l’ordre convenable tous les vêtements liturgiques : le surplis, la cordelière,… Le jour de la visite, nous les donnions à Monsieur le curé qui les présentait ensuite à l’évêque, pendant que les deux ecclésiastiques marmonnaient des prières en latin. A cette exposition, j’ai relevé tous ces noms dont j’en avais oublié plus d’un. C’est dommage que notre curé ne nous ait pas dit les noms patois de tout cela. Il nous reste un tout grand travail à faire… ! Car vous savez, je suis certain que vers mille huit cents, les prêtres de nos villages jurassiens connaissaient ces noms patois. En tout cas, il y a un mot patois qui est resté : c’est le mot caqu’maiyat (claquoir). Toutes les personnes qui étaient là ont dit : « Ah, un caqu’maiyat » (il semble qu’à Grandfontaine, ils disaient un tapa) Un caqu’maiyat, c’est une espèce de marteau, de maillet en bois monté sur une planchette qu’on tient par un manche, et qui, lorsqu’ on le secoue, fait un bruit très fort et très sec. C’est avec des claquoirs que les enfants appelaient les gens à l’église, les jours de la semaine sainte, quand les cloches étaient parties à Rome ! Et l’histoire de croix ? Eh bien, la voici ! Une fois, alors que la croix du côté de Grandgourt s’était mise à branler dangereusement, l’abbé Monnerat demanda au maçon du village, à Paul, de la remettre en ordre. Paul démonta toute la croix avant de bien la remonter. Notre curé alla voir la croix ravalée. Paul qui finissait le travail dit au curé : - vous allez voir, maintenant elle est solide. Malheureusement, Paul avait remis le croisillon du mauvais côté. Le maçon dut recommencer le travail. Il rouspéta bien un peu : personne ne sait lire ce qui est écrit en latin sur cette croix. Mais quand il reçut, en plus de sa paye, deux bonnes bouteilles, une pour le premier travail, une pour le second, il dit à notre curé : - si vous le voulez, je peux recommencer encore une fois… ! {J-M. Moine}