Publié dans le Quotidien Jurassien le 6 juillet 2018
Ïn coidjou
È y aivait dous d’ Cornô qu’allïnt è Hâvre è pie èt en sabats po, dâ li, s’embaitçhaie po l’Aiméritçhe. En traivoéchaint lai Fïn, le premie dyé : «
Voili des bèlles bètt’raves, hein, qu’ât-ce t’en dis, Djeain-Piere
?
» Le doûjieme n’é ran réponju. Ès n’ se sont pus ran dit djunqu’è Hâvre. Mains ch’ lai naie, mon Djean-Piere fait «
O, ç’ât des totes bèlles bètt’raves.
» Ces dous-li, c’était dous coidjous.
Yé bïn, l’ Firmin, c’était ïn meinme. Djâsaie po n’ ran dire, çoli n’yi r’sannait pe. È y en é qu’ l’aint aidé euvie. Grôs djâsou, grôs mentou, qu’an dit, nian sains réjon. Le Firmin, è faiyait yi tyirie les vares di nèz. «
Te poérrôs m’ djâsaie, Firmin. T’ n’és ran è m’ dire
?
» yeurpredgeait sai fanne.
-- Qu’ât-ce qu’ te veus qu’i t’ dyeuche
?
-- Mains qu’ te m’ainmes.
-- Te l’ sais bïn.
Ïn dûemoène, sai fanne vait en lai p’tète mâsse des sept po aivoi l ’temps d’aipprâtaie l’ dénèe. Lu, c’ment d’avéje, vait en lai grand-mâsse des dieche. Aiprés, è vait â cabairèt boire l’apéro d’avô les âtres. È rentre en l’hôtâ lqu’è soénne les alumarias.
-- Èl é bïn prâdgie, l’ tiurie
?
-- O.
-- Chus quoi qu’èl é prâdgie
?
-- Chus l’ péché.
-- Qu’ât-ce qu’èl en é dit
?
-- Èl ât contre.
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Un taiseux
Deux de Cornol se rendaient au Havre à pied et en sabots pour, de là, s’embarquer pour l’Amérique. En traversant le finage, le premier dit : «
Voilà de belles betteraves, hein, qu’est-ce que tu en dis, Jean-Pierre
?
» Le deuxième n’a rien répondu. Ils ne se sont plus parlé jusqu’au Havre. Ce n’est que sur le bateau que Jean-Pierre a répondu : «
Oui, vraiment, ce sont de toutes belles betteraves.
» Nos deux gaillards étaient des taiseux.
Eh bien, Firmin, c’était du même genre. Parler pour ne rien dire ne lui ressemblait pas. Il y en a qui l’ont toujours ouverte. Grand parleur, grand menteur, dit-on avec raison. A Firmin, il fallait lui tirer les vers du nez. «
Tu pourrais me parler, Firmin. Tu n’as rien à me dire
?
» lui reprochait sa femme.
-- Qu’est-ce que tu veux que je te dise
?
-- Mais que tu m’aimes.
-- Tu le sais bien.
Un dimanche, sa femme s’est rendue à la «
petite messe
» de sept heures pour avoir le temps de préparer le dîner. Lui, selon son habitude, alla à la grand-messe de dix heures. Après l’office, il s’en fut au cabaret boire l’apéritif avec les autres. Il sonnait l’angélus quand il rentra.
-- Il a bien prêché le curé
? lui demande sa femme.
-- Oui.
-- Sur quel sujet
?
-- Le péché.
-- Qu’est-ce qu’il en a dit
?
-- Il est contre.