Publié dans le Quotidien Jurassien le 9 août 2024
Ïn coidgeou
L’Albert di Melin était ïn coidgeou. Les rais côps qu’é prenyait lai pairôle, c’était po dire âtye qu’avait du sné. Ïn grant saidge, çt’Albert. «
È vât meus s’ coidgie que de djâsaie po n’ ran dire
», qu’è dyait. Tot l’ contraire de ci Fridolin, que l’aivait aidé eûvie. Ïn djoué qu’an yi en f’sait le r’preutche, è réponjé : «
Ç’ n’ât p’ poéche qu’an n’é ran è dire qu’è fât çhioûere sai dyeule.
» Tus è l’entouè s’étïnt touju d’ rire.
Po lai sïnt Paitron, le tiurie aivait fait v’ni ïn prâtchou coégnu po conféssaie èt faire le chèrmon en lai grant-mâsse des dieche.
Lai fanne de l’Albert airait bïn v’lu allaie l’oûyi, mains èlle daivait aipprétaie l’ dénaie. Tiaind son hanne ât r’veni di môtie, èlle yi é d’maindè :
- Èl é bïn djâsè, ci prâtchou
?
- Ô.
- De quoi qu’èl é djâsè
?
- Di péché.
- Èt qu’ât-ce qu’èl en é dit
?
- Èl ât contre.
Ce feut tot, èlle n’en é ran tyirie d’pus.
Notes
lai sïnt Paitron, la fête patronale, fête religieuse en l’honneur du saint protecteur de la paroisse
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Un taiseux
Albert du Moulin était un taiseux. Les rares fois qu’il prenait la parole, c’était pour dire quelque chose de sensé. Un grand sage, Albert. «
Il vaut mieux se taire que de parler pour ne rien dire
», affirmait-il. Tout le contraire de Fridolin, qui l’avait toujours ouverte. Un jour qu’on lui en faisait le reproche, il répondit : «
Ce n’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule.
» Tout l’entourage s’était tordu de rire.
Pour la fête patronale, le curé avait invité un prédicateur réputé pour confesser et prononcer l’homélie à la grand-messe de dix heures.
La femme d’Albert aurait bien voulu aller l’écouter, mais elle devait préparer le dîner. Quand son mari est revenu de l’église, elle lui a demandé :
- Il a bien parlé, ce prédicateur
?
- Oui.
- De quoi est-ce qu’il a parlé
?
- Du péché.
- Et qu’est-ce qu’il en a dit
?
- Il est contre.
Ce fut tout, elle n’en tira rien de plus.
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