Publié : 27 décembre 2019

Le revenyaint

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 27 décembre 2019

Le revenyaint

d’après « les soliloques du pauvre », de Jehan Rictus (1867-1033)

Tiaind qu’i rôle sains fûe ne yûe,
è drète è gâtche, mai painse veude,
i m’ dis : S’è revenyait,
ci trimardou que f’sait le bïn,
le boûebe di tchaipu d’ Nazarèth,
tchoé â monde dains ènne poûere étâle,
entre le bûe èt le gris l’aînne.

S’è revenyait, l’Aigné sains taitche,
çtu que mairtchait dechus les âves,
èt que pus taîd s’fé aiccreutchie
ès trente-trâs ans, en pyeine djûenaince.

Lu que dyérichait les malaites
en les raivoétaint dains les eûyes.
Lu que n’ râtait de répétaie :
Nôs sons tus fréres chus çte tiere.
È s’en prenyait és croûeyes rètches.

Eh bïn, moi, hyie, i l’aî croujie,
Aiprés méneût, â care d’ènne vie.

Tot poi ïn bé côp, le djoué vïnt.
Çtu qu’i aivô pris po l’Hanne-Dûe,
c’était mai propre raimoiyaince
dains lai d’vainture di maitchaind d’vïn.

Note
raimoiyaince, reflet


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Le revenant

d’après « les soliloques du pauvre », de Jehan Rictus (1867-1033)

Quand j’erre sans feu ni lieu,
à droite, à gauche, le ventre vide,
je me dis : S’il revenait,
ce trimardeur qui fit le bien,
fils du charpentier de Nazareth,
né dans une pauvre étable
entre le bœuf et l’âne gris.

S’il revenait, l’Agneau sans tache,
celui qui marchait sur les eaux
et qui plus tard, fut crucifié
à trente-trois ans, en pleine jeunesse.

Lui qui guérissait les malades
en les regardant dans les yeux.
Qui ne cessait de répéter :
Nous sommes tous frères sur la terre.
Il en voulait aux mauvais riches

Eh bien, moi, hier, je l’ai rencontré
Après minuit, au coin d’une rue.

Et brusquement, le jour survint.
Celui que j’avais pris pour l’Homme-Dieu,
Ce n’était que mon propre reflet
Dans la vitrine du marchand de vin.

Pour le texte original de J. Rictus, se reporter à internet

Pour mieux connaître Jean Rictus