Le pètlou
Le pètlou d’adjd’heu ne ressane pus vôere â pètlou de mes djûenes an-nèes. Les aimeûnes, obïn putôt l’éde baiyie en cés qu’étaïnt sains traivaiye, ne bïn d’ène san, ène rotte d’afaints è tchairdge, étaïnt faites sains taipe-è-l’eûye. Di temps de lai crije rleudgîere, les métches de pain, moéchés de tchée, potats de laicé, rcis des paiyisains, int édie les petéts rleudgîes è nouquaie les doux bouts.
Nyün ne pailait d’aimeûnes, ne pètlerie. On baiyait en cés qu’en aivaïnt fâte, ïn pont ç’ât tot
!
Di dgéste de paitaidge di péssè, aimeûnaie àt devni quâsi ïn métie. Ç’ât dannaidge. Cés qu’int fâte d’étre édies, ne se botant djemais en aivaint. Ès sont dgeinnès d’étre paûres dains ïn monde de rétches. Vés le trâzieme sîecle, l’Ôedre des Péres franciscains voùé les réyes de lai congrégâtion étaïnt chtraingues. Ès ne vétchaïnt que d’aimeûnes. Nyün n’entraïnt â covent sains faire tchuât de déche.
Tchie nos, les petéts pètlous di câre nos fint putôt rujolaie. Tchéque cô que mon pére croûsie «
Tire-lai-Paitte
», le taupie de lai tyeummune, èl ôyait :
- Hé
! Louis
! Te n’és pon ène petéte chique
? Y ai rébyaie mon toubac en l’hôtâ
!
Èl aivait aito lai maînie de s’aimouénaie dains les férmes en l’hoûre des rpés, voùé èl était chûr de rcidre ène aissîette de sope. Nyün ne s’en étchâdait. È faisait paitchie di câre.
È botoiyait, cheûte en ène chtanntssèe dains les égraîes de lai tchaive. Dâs ci djoué, Xavier était devni «
Tire-lai-Paitte
», sains métchaincetè ne foterie, meinme de lai paît des afaints. Â vlaidge, èl était coingnu pe ainmè de tus.
Ïn djoué d’herbâ, on ne saît qu’ée môetche l’aivait pitchie, obïn se è chmeûquait lai noi vni. «
Tire-lai-Paitte
» s’en allé caquaie en lai pôetche de Daime Philomène. Lai véye daime rétche, mains aivoircyouse, demouérait dains ène mâson é djet de petét tchété. Po les dgens di vlaidge, ç’était lai Tchételîene. Aiprés tros caquèes, Daime Philomène, méfiainte, entr’eûvrit lai pôetche, révisé tote ébâbie Xavier.
- Qu’ât-ce que te veux
?
Le ton yaicie, sa de lai Chételîene, tchoyé tâ ène chouïnguèe de grale su lai téte di Xavier. Lai churprise de l’aitcheuye péssè, «
Tire-lai-Paitte
» tiré feûs de sai baigatte ïn boton qu’è tendé en lai Tchételîene. D’ïn trét, è breudouéyé :
- Bouénne Daime, ne peutes-vos me codre ïn mainté en ci boton
? Le Bon Dûe vos le rebaiyeré â C
ie !
Lai Babouératte
Le mendiant
Le mendiant d’aujourd’hui ne ressemble plus guère aux mendiants de mes jeunes années. Les aumônes, ou plutôt l’aide donnée à ceux qui étaient sans travail, ni économies, une grande famille à charge, se faisaient sans éclats, discrètement.
Pendant la crise horlogère, les miches de pain, morceaux de viande, litres de lait, reçus des paysans, ont aidé les petits horlogers à nouer les deux bouts. Personne ne parlait d’aumône, ni de mendicité. On donnait à ceux qui en avaient besoin, un point c’est tout
!
Du geste de partage dans le passé, mendier avec aplomb, est devenu presqu’un métier. C’est dommage. Ceux qui ont besoin d’être aidés ne se mettent jamais en avant. Ils sont gênés d’être pauvres dans un monde de riches.
Vers le treizième siècle, l’Ordre des Pères franciscains où les règles de la congrégation étaient très sévères. Ils ne vivaient que d’aumônes. Personne n’entrait au couvent sans faire vœu de pauvreté.
Chez nous, les petits mendiants du coin nous font plutôt rigoler. Chaque fois que mon père croisait «
Tire-la-Patte
», le taupier de la commune, il entendait :
- Hé
! Louis
! Tu n’as pas une petite chique
? J’ai oublié mon tabac à la maison
!
Il avait aussi la manie de s’amener dans les fermes à l’heure des repas où il était sûr de recevoir une assiette de soupe. Personne ne s’en fâchait. Il faisait partie du coin.
Il boitait, suite à une culbute dans l’escalier de la cave. De ce jour, Xavier était devenu «
Tire-la-Patte
», sans méchanceté ni moquerie, même de la part des enfants. Au village, il était connu et aimé de tous.
Un jour d’automne, on ne sait quelle mouche l’avait piqué ou s’il sentait la neige, «
Tire-la-Patte
» s’en alla frapper à la porte de Dame Philomène. La vieille dame, riche et grippe-sous, demeurait dans une maison style château. Pour les gens du village, c’était la Châtelaine. Après avoir frappé trois coups, Dame Philomène, méfiante, entrouvrit la porte, regarda tout étonnée Xavier.
- Qu’est-ce que tu veux
?
Le ton glacé, sec de la Châtelaine, tomba telle une rafale de grêle sur la tête de Xavier. La surprise de l’accueil passé, «
Tire-la-Patte
» sortit de sa poche un gros bouton qu’il tendit à la Châtelaine. D’un trait, il bredouilla :
- Bonne Dame, ne pouvez-vous me coudre un manteau à ce bouton
? Le Bon Dieu vous le rendra au Ciel
!
La Coccinelle
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Texte publié dans le
GHETE mars-avril 2017