
Publié dans le Quotidien Jurassien le 2 février 2024
És porcheutes
Source : Jean-Marie Voirol, Porrentruy
È f’sait trente-chés méties, ci Lucien. È f’sait l’ bairbie, è vendait des paissats po les p’tèts l’afaints (an n’coégnéchait p’oncoé les pampers). És fannes, è prepojait des dvaintries po faire lai bue, és oeûvries de lai faibritye, des grïmpe-tiu. Des musattes, vôs peutes me craire qu’èl en aivait. Èl aitch’tait des mâjons èt les r’vendait. D’aivô ènne mairdge, bïn chûr. Aiprés lai doûjieme dyiere, è s’ât botè è vendre des préservatifs. En tote dichcrèchion. C’était nové tchie nôs.
Çoli é bïn mairtchi. È dyaingnait brâment èt dépâtait encoé pus. Ç’ que daivait airrivaie airrivé. È feut botè és porcheûtes. Le pitye-ménaidge é tot pris, les moubyes, les câdres, tot, meinme les capotes que yi d’moérïnt. Crais bïn qu’è n’yi rèchtait qu’ le yét po dremi. Ènne mije feut organijèe. Le lendemain d’ lai vente, l’Emma, ènne fanne de paiyisïn, ménaidgeouse èt que saivait bïn coudre, rencontre lai tante di Lucien. Çtée-ci yi dit : I n’ t’aî p’ vue en çte vente. Te t’ rends compte, ès aint vendu des capotes.

Note
l’ bairbie, le coiffeur
Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Aux poursuites
Lucien exerçait trente-six métiers. Il faisait le coiffeur, il vendait des petits draps pour les nourrissons (on ne connaissait pas encore les pampers). Aux femmes, il proposait des tabliers pour faire la lessive, aux ouvriers de la fabrique, des salopettes à bretelles. Des idées, vous pouvez croire qu’il en avait. Il achetait des maisons et les revendait. Avec une marge, cela va sans dire. Après la deuxième guerre, il s’est mis à vendre des préservatifs. En toute discrétion. C’était nouveau dans la région.
Cela a bien marché. Il gagnait beaucoup et dilapidait encore plus. Ce qui devait arriver arriva. Il fit faillite. L’office des poursuites lui a tout pris, les meubles, les tableaux, tout, même le stock de préservatifs. Il ne lui restait que son lit pour dormir. Une vente aux enchères fut organisée. Le lendemain de la vente, Emma, une paysanne économe et bonne couturière, rencontre la tante de Lucien :
