Les dictionnaires de Jean-Marie Moine
Jean-Marie Moine et ses collaborateurs ont accompli une oeuvre énorme : recenser les mots patois et en donner, à travers deux ouvrages un accès facile.
Ces dictionnaires existent dans la version
{{Patois - Français}}
et
{{Français - Patois}}
{ {{Dictionnaire du Patois (français patois),}} } prix 79.–
Jean-Marie Moine,
175 × 245 mm, 1691 p., 2007, isbn 2940043337
Ces ouvrages ont été distribués dans les écoles jurassiennes, grâce à une démarche du Cercle d’études du patois de la Société Jurassienne d’Emulation, le Voiyïn.
{{L’avis de François Busser }}
GLOSSAIRE DU PATOIS
PATOIS-FRANçAIS
Fin 2003 Jean-Marie Moine créait l’événement en faisant paraître le fruit d’un long et minutieux travail : le « Glossaire du Patois », sous l’égide de la Société Jurasienne d’Emulation.
On est frappé d’abord par la qualité de l’édition et l’ampleur de la collecte :
20.000 entrées environ. Il s’agit bien entendu du patois jurassien : J.M. Moine, qui pratique le patois de Montignez, a reçu des compléments de différents amis du canton.
Il adopte le graphisme de Vatré et une orthographe d’usage françisée, ce qui facilité beaucoup l’utilisation. L’aire géographique de l’enquête déborde à l’occasion les frontières du canton : on trouve des références dans le Haut-Doubs et le Haut-Rhin, mais apparemment pas sur la région de Montbéliard.
Une des caractérisiques de l’ouvrage est d’offrir une éventail très complet des différentes prononciations et écritures (une trentaine parfois pour le même mot) : ainsi : toénaie, toènaie, toinnaie, tonaie, tounaie, touènnaie, touénnaie…, etc.
On est aussi charmé de rencontrer une foule d’expressions savoureuses qui font le sel de notre patois : faire cabri, s’faire è pitçhaie, saît d’ miedge…, etc.
Le souci d’exhaustivité apparaît encore dans l’approche grammaticale : J.M. Moine donne toujours la nature grammaticale du mot, de même il y a toujours le féminin des adjectifs. Il distingue si nécessaire l’emploi d’un mot dans différentes fonctions. De nombreux encadrés traduisent ce souci de rigueur et forment par eux-mêmes un véritable précis grammatical.
Plus remarquable encore l’exhaustivité dans l’analyse des différents sens d’un mot. Ainsi pour « tchaiyie » J.M. Moine propose : chevaucher, chiffonner, côcher, choyer, coïter, comprimer, couper avec les dents, damer dorloter, fouler, presser, serrer, tasser, trépigner.
On découvre de plus des richesses particulières :
Les termes botaniques sont très nombreux, par exemple : le gnat (la viorne), lai gotte de yïn (la cuscute), le botnie (l’églantier), lai graiche hierbe (la bryone), lai grétche (la noisette bien mûre), lai grôsse ainisse (la badiane), l’hierbe ès pouyes (l’aconit), l’hierbe ès pois (la sariette), l’hierbe è rétiurie (la prêle), etc.
La toponymie est bien explorée : localités et lieux-dits. De même les prénoms (Lienaîd, Dienat, Diéfine, etc.…) et toute la saveur des surnoms de village : Les Gueules de fouè (Bressaucourt), les Maindge-Miedge (Muriaux), les Latche-Potche (Moutier), les Lais-Dûe (Goumois), les Gravalons (Beurnevésin), etc.
L’adaptation des mots récents n’est pas oubliée, même si elle n’est pas systématique . On trouve par exemple : l’enrôlou (magnétophone), l’frâtchou (le frigidaire), l’tirou (le tracteur) et bien sûr : le laividjâse (téléphone), lai laivimaidge (télévision), le laivivoit (téléscope), etc.
Mais de toute évidence la richesse la plus exceptionnelle du glossaire consiste en la présence d’exemples simples et clairs, en patois et en français, pour chaque sens proposé. Ils forment par eux-mêmes un thésaurus énorme, pris dans la vie quotidienne ils permettent de cerner les significations au plus près, dénotations et connotations. Ainsi : le raîlèt : 1) = cri E r’coégnât les oûejés en yôs raîlèts : Il reconnaît les oiseaux à leurs cris. 2) hurlement Les dgens s’sâvïnt en boussaint des railèts : Les gens se sauvaient en poussant des cris 3) râle An ôyait les railèts des biassies : on entendait les râles des blessés.
On pourrait souhaiter des indications étymologiques, pour celles qui présentent le plus d’intérêt, de même des éléments pour la façon dont certains verbes se conjuguent : participes passés, renvois à un verbe-type. Mais il est vrai que d’autres l’ont fait.
Dans un glossaire patois-français la difficulté inévitable reste, pour l’utilisateur, de chercher à la bonne entrée, quand un terme présente des prononciations variables, ainsi : framaie/fromaie, graibeusse/grabeusse, gaye/goiye/goye, etc.
En conclusion l’ouvrage de J.M. Moine fait évidemment autorité :
Sur l’éventail des exemples, qui démontre que le patois n’est pas une langue morte.
Sur l’ampleur de l’enquête lexicale, qui prouve si c’est encore nécessaire que le patois est une langue richissime
Sur la finesse de l’enquête sémantique, qui démontre que le patois est une langue pleine de finesses et de nuances
Sur la graphie, les accents, les élisions, ce qui prouve que le patois est aussi une langue écrite.
Un grand merci donc à J.M. Moine qui nous donne une image très complète et perspicace du patois du Jura maintenant. On sait qu’un dictionnaire n’est jamais complet, jamais définitif car la langue évolue sans arrêt, c’est bien le cas de notre patois !