Publié : 28 juillet 2023

La méthode du grand-père

Lai méthôde di grant-pére

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 28 juillet 2023

Lai méthôde di grant-pére

Le grant-pére é ses 70 ans. Çoli s’ féte. Ès aint drassie lai tâle â voirdgie. Dains ci grant voirdgie drie l’hôtâ, è y é des damélies, des bloûetchies, des pammies, des poiries. Ç’ât tot lu qu’ les é piantès. Lai fanne fait des taîtrelattes èt d’ lai confreture. Lu fait d’ lai gotte, èt peus d’ lai boénne. Ès sont tus v’nis po fétaie ci grant-pére. È y é sai véye manman qu’é bïntôt cent ans, è y é ses boûebes d’aivô yos fannes, è y é ses féyes d’aivô yos hannes, èt peus è y é ènne rotte de p’tèts l’afaints. « Vôs peutes djûere èt rittaie taint qu’ vôs v’lèz dains ci voirdgie, qu’è yos é dit, mains ènne tchôse, ne graipinèz p’ dains les aibres. Vôs èz compris ? » Èl aivait è poéne touénè l’dos qu’ le chiani é graipinè dains ïn djûene poirie. Sai mére, â pie d’l’aîbre, le cheuppyait : « Déchends, petèt, t’ veus tchoére. » Les âtres fannes s’y sont botèes. Poéne predjue. « Léchietes-me faire ! » dit l’ grant-pére. È monte chu ènne étchelatte èt djâse dains l’aroiye di nitiou. L’afaint déchend aich’tôt. Ès sont tus ébâbis. An d’mainde â grant-pére : « Qu’ât-ce que vôs yi èz dit qu’è vôs écouteuche sains raibaboûenaie ? » - I yi aî dit : Se te n’ déchends pe to comptant, i t’ tire aivâ poi tai tyulatte èt peus i t’ fôs ènne aifaissie qu’ te veus t’en seuv’ni. » Ès sont tus outrès. « Borriâd d’afaint ! » Le pére di nitiou s’yeve : « I n’ sais p’ ce que me r’tïnt. S’ vôs n’étïns p’ mon bâ-pére … » Le grant-pére s’eurtire èt vait femaie sai pipe. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

La méthode du grand-père

Le grand-père a 70 ans. Ça se fête. On a dressé la table au verger. Dans ce grand verger derrière la maison, il y a des damassiniers, des pruniers, des pommiers, des poiriers. C’est lui qui les a tous plantés. Sa femme fait des tartes et de la confiture. Lui fait de la goutte, et de la bonne ! Ils sont tous venus pour fêter ce grand-père. Il y a sa vieille maman bientôt centenaire, il y a ses fils avec leurs épouses, il y a ses filles avec leurs maris, et une ribambelle de petits-enfants. « Vous pouvez jouer et courir tant que vous voulez dans ce verger, leur dit-il, mais une chose, ne grimpez pas dans les arbres. Vous avez compris ? » Il avait à peine tourné le dos que le plus petit a grimpé dans un jeune poirier. Sa mère au pied de l’arbre, le suppliait : « Descends, petit, tu vas tomber. » Les autres femmes s’y sont mises. Peine perdue. « Laissez-moi faire ! » dit le grand-père. Il monte sur une échelette et parle à l’oreille du gamin. L’enfant descend aussitôt. Ils sont tous dans l’admiration : « Qu’est-ce que vos lui avez dit qu’il vous obéisse sans récriminer ? » demande-t-on au grand-père.  - Je lui ai dit : Si tu ne descends pas immédiatement, je te tire en bas par ta culotte et je te flanque une fessée dont tu souviendras. » Ils sont tous outrés. « Bourreau d’enfant ! » Le père du bambin se lève : « Je ne sais pas ce que me retient. Si vous n’étiez pas mon beau-père … » Le grand-père se retire et va fumer sa pipe. { {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022- 23}} } {{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}