Une histoire amusante, destinée à la promenade découverte sur le Plateau de Pleigne.
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{{L’histoire de l’Ermite de la Côte de Mai date de 1904.}}
Les textes en patois et en français figurent en bas de page.
Voici l’enregistrement par Nicole Bindy de Vermes, réalisé le 2 novembre 2008.
- Les souris à 50 ct
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Les souris à 50 centimes
Ai y aivait dains le temps ai Poraintru in aipotithiaire qu’ainmait bécô tchiconay les paysains.
In djo qu’in bon gros fermie de lai Montaigne des bôs, qu’était veni en lai foire de Poraintru vendre in tchevâ, péssé en l’apotithiaire po aitchetay de lai pôgeon po les raites.
- Nos en sont dévoëray, dié le paysain, nos trâs tchaits ne poyant pe émondure de les pare, ai n’aint péaipe le temps de les maindgie, les paures bétes. Ai me fârait de lai pôgeon po les faire ai creuvay.
- Comment
? Vos ai dinche des raites en lai Montaigne
? vos ai de lai tchaince
; tchie nos an n’en voit pe. Vos dairint bin m’en aipotchay
; ai m’en farait djeutement po mai pharmacie, po faire des remèdes : paichi, les raites sont raires. Se vos m’en aipotchay, i vos en veu bayie dix sous piece.
- Dix sous piece
?
- Êt ô.
- Tiain â ce qu’ai fâ vos les aipotchaie
?
- Che tôt que vos porais, lai senaine que vint.
- Eh bin, i ne veu pe manquay. A revoir
!
Le djeudé aipré, voici mon montaignon qu’airive en lai pharmacie aivô enne grosse dgeaiviole en fië d’airtchâ, tote pienne de raites. Ai l’en aivay à moins dous cents.
- Voici, Monsieu, qu’i aipotche les bétes que vos m’ai commainday. Vou fâté vudie mai dgeaiviôle
?
- Eh
! vos n’ai pe fâte de lai vudie, bayïe, m’en péai enne des pu belles.
- Comment
? enne des pu belles
? Eh
! ai les âtres, vou fât’é les botaie
?
- Vou voirais, çoli ne me raivise pe. I en prend enne, i vos lai paye 50 centimes ai peu voili tot. Les âtres, vous taitcherais de les vendre vou vos porais.
- Ah
! ç’â dinche que vos velais me pare po in fô
! Vos craite qu’i veu trovaie ai Poraintru bécô d’armateurs de raites ai dix sous piece
! I ne veu péaipe épreuvay d’allaie les vendre. Ai peu, po vos faire ai voi qu’i ne seu pe intéressie, ai peu que nos ain inco di pain ai maindgie ai l’hôtâ, i ne veu pe ravoétie aivô vos. I n’ai pe fate de vos sous, i vos en fais cadeau.
Tchu çoli, mon hanne euvre sai dgeaiviole, lai vude dain lai phairmacie, ai peu s’enfut. L’aipotithiaire tot capou djué, main in pô taie, qu’ai ne velait pu djemais pare les paysains po des fôs.
{L’Ermite de la Côte de Mai
Delémont,1904}
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{{La traduction}}
Les souris à 50 centimes
Il y avait dans le temps à Porrentruy un pharmacien qui aimait beaucoup chicaner les paysans.
Un jour un gros paysan de la Montagne des bois, qui était venu à la foire de Porrentruy vendre un cheval, passa chez le pharmacien pour acheter du poison pour les souris.
- Nous en sommes dévorés, disait le paysan, nos trois chats ne peuvent pas suivre de les prendre, et n’ont même pas le temps de les manger, les pauvres bêtes. Il me faudrait du poison pour les faire crever.
- Comment
? Vous avez comme ça des souris à la Montagne
? Vous avez de la chance
; ici on n’en voit pas. Vous devriez bien m’en apporter
; il m’en faudrait pour ma pharmacie, pour faire des remèdes
; ici les souris sont rares. Si vous m’en apportez je vous en donne dix sous pièce.
- Dix sous pièce
?
- Et oui.
- Quand est-ce qu’il faut vous les apporter
?
- Si tôt que vous pourrez, la semaine prochaine.
- Et bien, je ne veux pas manquer. Au revoir
!
Le jeudi après, voici mon montagnard qui arrive à la pharmacie avec une grande cage en fil de fer toute pleine de souris. Il en avait au moins deux cents.
- Voici Monsieur, je vous apporte les bêtes que vous n’avez commandées. Où faut-il vider la cage
?
- Oh
! Vous n’avez pas besoin de la vider, donnez-moi l’une des plus belles.
- Comment
? une des plus belles
? Et les autres où faut-il les mettre
?
- Vous verrez, cela ne me regarde pas. Je vous en prends une je vous la paie 50 centimes et voilà tout. Les autres vous tâcherez de les vendre où vous pourrez.
- Ah
! c’est comme ça que vous voulez me prendre pour un fou
! Vous croyez que je veux trouver à Porrentruy beaucoup d’amateurs de souris à dix sous pièce
! Je ne veux même pas essayer d’aller les vendre. Et pour vous faire voir que je ne suis pas intéressé, et que j’ai encore du pain à manger à la maison, je ne veux plus rien voir avec vous. Je n’ai pas besoin de vos sous, je vous en fais cadeau.
Sur cela, mon homme ouvre sa cage, la vide dans la pharmacie, et s’enfuit. Le pharmacien tout déçu jura, mais un peu tard, qu’il ne voulait plus jamais prendre les paysans pour des fous.
{Historiette de l’Hermite de La Côte de Mai, 1904
Traduction : Nicole Bindy Vermes}
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La publication originale :