Publié : 23 décembre 2022

Un régent au paradis

Ïn régent â pairaidis

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 23 décembre 2022

Ïn régent â pairaidis

Aiprés doze ans en lai téte de sai p’tète écôle de montaigne, le Tchaîlat s’ât fait nanmaie en lai vèlle. Li enson, èl était tot d’ pai lu. Èl était le chire, le maître, le régent. È f’sait lai pieudge èt l’ bé temps. És dieche, è montait boire son café d’aivô sai djûene fanne dans l’ leudg’ment en- d’chus lai çhaisse. Èl en profitait po pâre dains ses brais sai baîch’natte que djuait chu ènne tçhevéche. Dains l’ Vâ, c’était tot diff’reint. Ès étïnt tot ènne rote d’raicoédgeaires que se r’trovïnt és dieche â poiye des maîtres. Ès f’sïnt lai quoûe d’vaint lai maichine è café. Tchétiun è son toué, yun était dains la coué po cheurvoyie les éyeuves. Aiprés sai moûe, ci brave Tchaîlat s’ât direct envoulè â paraidis. D’âtres caim’rades étïnt dje paitchis aivaint lu. È s’ât rédjoyi d’ les r’voûere. Mains èl é t’aivu bé tçheri, è n’en croujé âtiun. Ébâbi, è vait s’ïnformaie aprés de sïnt Piera. Çtu-ci conchulte ses aindges. Les aindges vérifiant. Ô, â pairaidis, è n’y é âtiune traice de ces régents. Dépitè, l’hanne déchide d’allaie voûere se ses compaignons sont en enfie. Çoli l’émaiy’rait, mais an n’ât chur de ran. Le bon diaîle le raichûre, pe d’ régents tchie lu. De dépét, l’hanne se toéne voi l’ bon Dûe po obteni ènne échpyicâchion. « È m’encrât d’ vôs dérandgie, Chire, mains i aî bé chneuquaie : mes collégues que sont paitchis aivaint moi, ès n’sont ne en pairaidis ne en enfie. » - Bïn sïngulie, çoli, répond l’ bon Dûe. Raippele-moi ton métie chu tiere. - Régent, dit l’hanne. - Ah bïn, è faiyait l’ dire tot comptant. Èl ât les dieche. Ès sont tus en lai maichine è café. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Un régent au paradis

Après douze ans passés à la tête de sa petite école de montagne, Charles a été muté en ville. Là-haut, il était seul. Il était maître et seigneur, en un mot le régent. Il faisait la pluie et le beau temps. À dix heures, il montait boire son café auprès de sa jeune femme dans le logement de service au-dessus de la classe. Il en profitait pour prendre dans ses bras sa fillette qui jouait sur une couverture. Dans la Vallée, c’était tout différent. Ils étaient toute une équipe d’enseignants qui se retrouvaient à dix heures à la salle des maîtres. Ils faisaient la queue devant la machine à café. À tour de rôle, l’un d’eux surveillait les élèves dans la cour de récréation. Après sa mort, ce brave Charles entra directement au paradis. Certains de ses collègues étaient déjà partis avant lui. Il se réjouit de les revoir. Mais il eut beau chercher, il n’en rencontra aucun. Étonné, il alla s’informer auprès de saint Pierre qui consulta ses anges. Ceux-ci vérifient. Nulle trace de ces régents au paradis. Dépité, l’homme décide d’aller voir si ses anciens compagnons sont en enfer, ce qui l’étonnerait beaucoup, mais sait-on jamais. Le bon diable le rassure, aucun régent chez lui. Contrarié, l’ancien maître d’école retourne auprès du bon Dieu afin d’obtenir une explication. « Je regrette de vous déranger, Seigneur, mais j’ai beau chercher, mes collègues qui m’ont précédé ne sont ni en paradis ni en enfer. » - Étrange, cela, répond le bon Dieu. Quel était ton métier sur terre ? - Instituteur. - Ah bien, il fallait le dire tout de suite. Il est dix heures. Ils sont tous à la machine à café. { {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022}} } {{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}