Publié : 13 juin 2018

Les malheurs de Louise

Les malheurs de Louise

François Busser, patois roman

LES MALHEURS DE LOUISE Assise à sa place, bien au chaud, juste à coté du grand poêle, qui avait pourtant bien du mal à chauffer la classe, Louise était toute heureuse. Ce vendredi était une bonne journée pour la petite gamine de dix ans. Elle en avait fait des choses depuis le matin. Elle s’était levée de bonne heure pour s’en aller vers l’école, aussitôt venue l’aube, dans le froid de janvier et la bise qui soufflait. C’est vrai qu’il faisait froid mais, avec sa grande pélerine et la paille dans ses sabots, Louise pouvait marcher aisément dans la neige toute fraiche. Il fallait se dépêcher ! C’est qu’aujourd’hui c’était son tour d’aller chercher le panier de bois pour chauffer l’école et de nettoyer les tables, de passer le balai tout partout et de jeter le chenis avant que les autres enfants ne viennent. Quand Louise arriva à la maison d’école après avoir marché une bonne demi-lieue dans une neige tout de même pas bien épaisse pour la saison, une faible lumière clairait dans la classe. Monsieur Robert était déjà là. Elle toqua et rentra. « Bonjour, maître », dit-elle avec le plus grand respect. « Bonjour, Louise, dépêche-toi de tout préparer », lui répondit le maître, qui s’autorisait en cachette quelques mots de patois. Sur le tableau Louise pouvait lire, en belles lettres écrites à la craie blanche : vendredi 26 janvier 1921. Aider le maître, qu’elle aimait beaucoup, était un vrai plaisir pour la gamine. Monsieur Robert, le vieux maître qui avait, quand il était encore tout jeune, fait la classe à Joséphine, la mère de Louise, était tout de même souvent sévère avec les enfants pas sages et, bien sur avec les paresseux. Il les rouspétait et même leur donnait des bons coups sur le derrière avec sa petite baguette qu’il appelait sa Durandal, en souvenir, disait-il, de Roland de Ronceveaux. Bien sur, les enfants pas raisonnables qu’il tapait n’en disaient jamais rien à la maison…ils savaient bien pourquoi ! Pour Louise, jamais de problème avec l’école. La gamine Daval aimait apprendre et, pour elle, les paroles du maître étaient paroles d’évangile, un peu comme les paroles de monsieur le curé, qui prêchait le dimanche à l’église de Saint Valbert. Monsieur Robert était un peu comme un deuxième père pour la petite. Elle écoutait si bien le maître faire la leçon aux grands du certificat d’études qu’elle connaissait beaucoup de choses pour son âge, en tout cas bien plus que les autres enfants de dix ans qui ne pensaient plutôt qu’à jouer. Le maître lui parlait toujours gentiment. Il l’envoyait souvent au tableau, pour le plaisir de la gamine, et montrait à tout le monde son cahier si propre et si bien écrit. Il faut bien le dire, il y avait des enfants jaloux qui faisaient en cachette du mal à la gamine qui n’avait pas encore beaucoup poussé et n’était pas bien forte pour son âge. Cet après midi, devant les enfants tout étonnés, le bon maître avait parlé de la guerre de soixante dix et de la bataille de la Lizaine dans les villages de Chenebier, d’Echavanne et de Frahier. Il disait des choses incroyables, le maître… voici cinquante ans, jour pou jour, en janvier 1871, que les courageux soldats français du général Bourbaki ont fait la guerre aux méchants soldats prussiens, qui avaient pris Belfort. Ils se battaient dans nos villages mai aussi dans le bois des Evaux d’Echavanne où garçons et filles allaient jouer et chercher des chanterelles, des framboises et des mûres en automne ou encore des fraises des bois au printemps. C’était horrible. Ils se battaient à coups de baïonnettes, comme des sauvages. Les enfants n’en croyaient pas leurs oreilles. Il en savait des choses, le maître ! Il leur dit que derrière l’école, dans le pré du Taureau, il y avait, après la guerre, cinquante deux soldats enterrés dans deux tombes, trente neuf allemands avec treize français… ce n’était pas possible… il y avait dans le temps deux tombes avec des soldats morts là où ils jouaient à la récréation ?! Ils ne savaient rien de tout cela, les parents parlaient bien de la guerre mais de celle de quatorze-dix huit. Il fallait bien le dire, en dix huit, on leur avait mis une sacrée volée, aux allemands ! Tout le monde connaissait quelqu’un, un grand-père, un oncle et même un père, qui avait fait la guerre de quatorze et qui en parlait aux veillées. Mais, des fois, les veillées étaient bien tristes pour les enfants quand les parents parlaient d’un vieux comme eux qui était mort tout jeune à la guerre… Après avoir parlé de tout ça, comme il faisait moins froid dehors, Monsieur Robert siffla l’heure de la récréation. Aussitôt dehors, les écoliers sont partis vers le pré du Taureau pour voir où étaient les tombes des soldats. Bien sur, il n’y avait plus rien depuis longtemps mais personne n’était assez courageux pour aller y poser un sabot. Louise, toujours curieuse de tout était devant. Voici que le Roland Berdet, un grand âne du certificat, la bouscula si méchamment qu’elle tomba lourdement dans la neige. Cours, cours, lui dit le méchant garçon. Le squelette d’un soldat mort va te tirer dans la tombe ! Epouvantée, la pauvre petite, la pèlerine pleine de neige et la paille des sabots mouillée partit pleurnicher vers le maître. Mais, Louise était encore une gamine. Elle aimait jouer c’est pourquoi elle partit bientôt glisser, comme tout les jours de l’hiver, avec les autres écoliers. Il faut dire, qu’à coté de l’école, il y avait trois latrines en pierre pour les enfants. C’était plutôt vétuste mais il faisait bon aller au petit coin, à l’abri des yeux des guetteurs, même si par les trous des portes on pouvait y voir un peu. C’était tout de même bien commode d’avoir un petit seau d’eau et un balai de bouleau pour nettoyer la place. Pourtant, avec le froid de l’hiver, personne n’y restait plus qu’il ne fallait pour ne pas geler sur place ! Les latrines étaient placées juste à coté de la fontaine qui recevait toute l’année l’eau de la Goutte Thuenot. Partant de la fontaine, un tuyau en bois passait sous les cabinets et emportait tout ce qui était déposé là plus loin, dans le pré. De ce temps la, les gens n’étaient pas regardants. Avec l’hiver, cela faisait une belle glissade où les enfants s’en donnaient à cœur joie. Et voici Louise jouant sur la glace avec les autres enfants… Avec ses sabots, c’était très facile, elle glissait bien. Ne voici pas que, profitant que le maitre ne regardait pas, la Rose Mouget, une fille aussi affreuse que méchante, bouscula Louise, qui volait comme un oiseau sur la glace. La pauvre gamine tomba pesamment. Elle avait mal tout partout. Son derrière était tout talé, un sabot avait volé dans la neige, elle s’était tordu le pied, la cuisse lui faisait mal mais, surtout, elle avait les genoux pleins de sang, la peau brûlée et complètement écorchée. Aveuglée par la douleur, elle sanglotait et appelait sa mère, ce qui faisait bien rire les écoliers qui l’ont laissée là pour aller jouer encore. Epouvantée de voir le sang, la malheureuse ramassa son sabot, qui avait perdu sa bride. « Jésus ! Le père ! Il va me donner une volée ! Elle demeura là un moment. Elle fermait les yeux et sanglotait, toute seule au bout du pré. Comme il faisait moins froid, la neige commença à tomber tout doucement. Quand la petite ouvrit les yeux, il n’y avait plus personne autour d’elle. Avec la neige, les enfants étaient vite rentrés dans l’école. Complètement perdue, la gamine remit son sabot et plutôt que de repartir à l’école, s’en retourna, sans savoir pourquoi, vers les Noriandes et sa maison, en pleurant. Pour arriver plus vite, elle coupa par l’étang du pré Champagne, dans le bas de l’école. D’un coup, une vraie averse de neige tomba. Louise ne voyait plus rien autour d’elle. Aveuglée, en trébuchant, manquant de tomber à tout moment, elle traversa le verger des Lacombe. Elle passa devant la maison de ces gens, effrayée par leur chien, qui aboyait comme un fou. La pauvre petite avait bien peur de se faire gronder par sa maman et encore plus par son père, qui était souvent bien dur avec elle. Malgré sa pèlerine, elle grelottait de froid. Ses grandes chaussettes étaient toute mouillées et puis, le pire de tout, elle avait déchiré sa robe dans un buisson d’épines noires. Si le père sait tout cela, ça va chauffer à la maison, se disait-elle, tout malheureuse. Arrivée au petit ruisseau des Noriandes, juste en bas de la ferme de ses parents, Louise, voyant sa mère qui lavait du linge dans l’eau glacée, sentit ses maux, qui s’étaient un peu endormis en marchant, se réveiller d’un coup. En pleurant, elle couru dans les bras de sa maman, complètement étonnée de la voir arriver à cette heure. « Mon dieu, Louise, que fais-tu ici, à cette heure » ? La petite raconta toutes ses misères en pleurnichant. « Viens vite à la maison, je vais te soigner ». Cela fut vite fait avec la gentille maman. « Mais, dis voir, Louise, ton maître, il sait que tu es partie de l’école » ?  « Non, maman, personne ne le sait ». « Il doit se faire du souci et se demander où tu es passée ». « Tu vas changer de chaussettes et remplir de paille sèche tes sabots et on court à l’école pour le rassurer » ! Il en avait bien besoin, d’être rassuré, le maître ! Il avait vu tout de suite que la petite Louise n’était pas à sa place, bien sur. Personne ne savait où elle était passée. Avec les plus grands, il partit comme un fou dehors pour la chercher. Ils avaient beau regarder tout partout, pas de Louise, même pas une trace ! Et puis, il ferait bientôt nuit ! Le cœur battant, morts de peur, ils sont allés jusqu’à l’étang… Rien ! La neige, vite épaisse avait ôté toute trace… le pauvre André Robert était complètement épouvanté, anéanti. Après que les enfants soient partis, il demeura prostré sur sa chaise, sans savoir quoi faire. Pauvre de moi, je suis perdu ! Il faut prévenir le maire et les gendarmes. Pauvre petite ! Pauvre, pauvre de moi, je suis coupable ! Je ne pourrai plus vivre avec ce poids sur la conscience ! C’est à ce moment qu’on frappa tout doucement à la porte de l’école. Joséphine Daval entra en tremblant, tenant sa gamine par la main. « Louise » ! « Maître » ! La gamine se jeta dans les bras du maître qui la serrait très fort. « Tu n’es pas morte » ! Il remercia le Bon Dieu, ce qui n’était pas rien, pour lui ! Louise pleurait à chaudes larmes. La petite raconta toute l’affaire… Le maître, rassuré, dit qu’il ferait demain la leçon aux enfants, qu’il ferait, lui-même, encore plus attention à l’avenir et qu’il irait voir Maurice, le père Daval, pour parler de tout cela et de la gamine… Monsieur Robert, qui connaissait bien le père Daval, vint lui parler chez lui le soir même. Tout de passa devant une bouteille de goutte. « Ta gamine est courageuse et bien maligne pour son âge…Si tu le veux, Maurice, je pourrais bien la préparer à passer l’examen des bourses, l’année prochaine. Ne dis rien. Je sais que vous n’êtes pas riches mais ça ne vous coutera pas grand-chose… ta Louise pourrait bien devenir un beau jour maîtresse d’école… tu verras, Maurice, bientôt tu seras fier de ta gamine » ! « Il n’en est pas question ! La gamine est une fille de paysan ! Elle restera au village pour marier un cultivateur comme son père » ! « Il faut causer… verse nous encore un verre, Maurice » ! L’affaire n’était pas gagnée… Il fallait lui faire entendre raison, à ce bougre de Maurice ! « Dis voir, Maurice, tu as bien déclaré tes cent litres de goutte, hein » ?  « Mais… » « Je le sais bien que tu déclares la moitié… » « Mais… » « Tu te rappelles toutes les bêtises que tu as faites à l’école ? Tu ne veux pas que j’en parle à ta gamine, tout de même » ? « Mais… » Ce n’était pas facile avec cet arsouille de Maurice ! Ils ont parlé logtemps… « Dis voir, on fait quoi pour la gamine ? C’est toi le père…et bien, dis quelque chose ! Tu veux lui gâcher sa vie, ou quoi ? » « Bon…je suis d’accord mais…mais vous m’avez bien dit que ça ne me coûterait pas grand-chose ?... » « Parole d’homme ! Tope là ! » C’est ainsi que l’affaire fut faite devant quelques grands verres de goutte et que la journée fini de la meilleur des façons pour la petite Louise, qui dormait pendant ce temps d’un bon sommeil d’enfant heureuse. Cette histoire est peut être bien un peu désuète, aux jours d’aujourd’hui, mais, voyez vous, c’était comme ça, la vie, dans le temps… T’chitie a sa piace, bïn au t’chô, d’jeute a cota di grant fono qu’ava poètchant bïn di mô a t’chauffa la tiâsse, Louise éta tote hérouse. C’te venrdi éta ène bouène d’jona po la petète mugnotte dè dèche ans. All en ava fa des t’cheuses do l’matin. All s’éta l’va de bouène houre po s’en alla vés l’éceule, auchuteu v’ni lo gris di d’jo, dans lo fra dè d’janvie et la bije què sofia. Ç’ô vra qu’a fsa fra ma, dove sa grante pèlerine a pu l’étrein dans ses sabots, Louise poya t’chemna agiment dans la noidge tote frôtche. A faya s’dépôtchie ! Ç’ô qu’aujd’heu ç’éta son toué d’alla tirie lo p’nie d’beu po t’chôffa l’éceule a pu dè nentayie les tobyes, dè péssa la ramasse tot potcho et dè t’champa lo ch’nis avant que les aûtres afants nè vignent. Quand Louise arriva a la môjon d’éceule apra avoi t’chemna ène bouène demi lieue dans ène noidge tot d’min me pé bïn éposse po la sôjon, ène fabye lumire çiara dans la tiâsse. Monsue Robert éta d’jé tola. All toqua a pu entra. « Bon d’jo, mâtre », qu’all dit dove lo pu grant réchpèt. « Bon d’jo, Louise, dépoche-tu d’tot prépara », lu répondit lo mâtre, qui s’autorisa en coitchotte tièques mots dè patois. T’chu l’tabyau Louise poya lère, en balles lottres écrites a la kra biantche : venrdi 26 d’janvie 1921 Adie lo mâtre, qu’all ainma tot pié, éta ïn vra piagie po la mugnotte. Monsue Robert, lo veil rédgent qu’ava, quand a l’éta encouère tot d’june, fa la tiâsse a Joséphine, la mére dè Louise, éta tot d’min me s’vent sévére davo les afants pé sadges a pu, bïn chur, dove les éceulies pé couradgeous. A les rovouègna et mîn me leu botta des bons keus t’chu l’dari dove sa p’tète tocotte qu’a app’la sa Durandal, en souvni, qu’a dija, dè Roland de Ronceveaux. Bïn chur, les afants pé résonnabyes qu’a toka n’en dijant d’jama ran à l’hôtô… a savint bïn poquoi ! Po Louise, d’jama d’prôbyème dove l’éceule. La mugnotte Daval ainma appenre et, po li, les pareules di rédgent étint pareules d’évangile, ïn pu man les pareules de monsue lo tiuri, què prôtcha lo dimouène i môtie dè Saint Valbert. Monsue Robert éta ïn pu man ïn doujime pére po la petète. All éceuta chu bïn lo mâtre fare la l’çon aux grants di certificat d’études qu’all cugniocha tot pié dè t’cheuses po son âdge, en tot cas bïn pu qu’les aûtres afants dè dèche ans què n’pensa puteu qu’a d’jure. Lo mâtre lu causa todge d’gentiment, a l’envoya s’vent au tabyau, po lo piagie d’la mugnotte, et montra a tot l’monde son cahyer chu peupre a pu chu bïn écrit. A faut bïn lo dire, a y ava des afants d’jorous què f’sint en coitchotte di mô a la mugnotte, qu’é n’ava encouère pé poussi tot pié èt n’éta pé bïn fôtche po son âdge. Ç’te vépra, d’vant les afants tot ébayis, lo bon mâtre ava causa d’la dyière dè soixante dèche a pu d’la bataye dè la Lizaine dans les v’ladges de Chenebie, Etchavonne et Frahie. A dija des t’cheuses incroyabyies, lo mâtre… Voichi cinquante ans, d’jo po d’jo, en d’janvie 1871, qu’ les couradgeous soudats franças du général Bourbaki ont fa la dyière aux métchants soudats prussiens qu’avint pris Béfô. A s’battant dans neus villadges ma auchu dans lo beu des Evaux d’Echavonne, lavou boubes a pu mugnottes allint d’jure et tièrie des d’jônotes, des ambres a pu des moûres au dari temps ou encouère des frâses des beus au premi temps. Ç’éta horribyie. A s’battant a keu d’baïonnettes man des sôvadges. Les afants n’y crayeu pé leu z’orailles. A l’en sava des t’cheuses lo rédgent ! A leu dit qu’dari l’éceule, dans lo pra di Touret, a y ava, apra la dyière, cinquante dous soudats encrotta dans dou fôsses, trente niuf allemands dove troze franças …ç ’n’éta pé peussbyie… a y ava dans lo temps dou fôsses davo des soudas môs lavou ç’qua d’jouyant a la récréation ?! A n’savint ran d’çola. Leu pouarents d’jasint bïn d’la dyière ma ç’ti la dè quatôje dèche heute. A faya bïn lo dire, en dèche heute, on leu ava bota ène bouène voula, aux Allemands ! Tot l’monde cugniocha tiétien, ïn grant pére, ïu ontio ou minme ïn pére, qu’ava fa la dyière dè katôge a pu qu’en d’jasa aux voillies. Ma, des keus, les voillies étins bïn trichtes po les afants quand les pouarents d’jasint d’ïn veil man eux qu’éta mô tot d’june a la dyière… Apra avoi causa dè to çola, man qu’a f’sa moué fra en d’fue, monsue Robert fieuta l’houre dè la récréation. Chuteu en d’fue, tos les éceulies sont patchis vés lo pra di Touret po vor lavou ç’qu’étint les tombes des soudats. Bïn chur, a n’y ava pu ran do longtemps ma niun n’état assa couradgeou po alla y posa ses sabots… Louise, todgé tiûrieûse dè tot éta d’vant. Voichi qu’lo Roland Berdet, ïn grant âne di certificat, d’jorou man ïn pou d’la petète mugnotte, la bouriauda chu métchament qu’all riopa dans la noidge. Fûe, fûe, lu dit lo métchant boube, l’èsquelotte d’un soudat mô va t’tirie dans la fôsse ! Echvanta, la peure petète, la pélerine pienne de noidge et l’étrein des sabots mouéyie, patchi chougna vés lo mâtre. Ma, Louise éta encouère ène mugnotte. All ainma d’jure ç’ô poquoi all patchi binteu lord’jie, man tos les d’jos d’l’hivé, dove les aûtres éceulies. A faut dire qu’a cota d’l’éceule, a y ava tros cabinets en pirres po les afants. C’éta puteu vétuste ma a f’sa bon alla è p’tet coin a l’abri des yues des beûyous, min me si poi les pchus des pôtches on poya y vor ïn pu. C’éta tot d’minme bin âge d’avoi un p’tèt soillot d’ove a pu ène ramasse dè boule po nentayie la piace. Pouètchant, dove lo fra d’l’hivé, niun n’y d’moura pé pu qu’a faya po n’pé d’jola t’chu piace ! Les cabinets étint piacies a cota d’la fontain ne què r’çeva tote l’onna l’ove dè la Goutte Thuenot. Patchant dè la fontain ne, ène gouliche dè beu péssa d’zo les cab’nets et empôtcha tot ç’qu’éta dépôsa tola pu louè, dans lo pra. Dè ç’temps la, les d’gens n’étint pe r’diadgeants. Davo l’hivé ça f’sa ène balle glissade po les afants què s’en bayint a tieur d’joie. Et voichi Louise d’jeuyant t’chu la diasse davo les aûtres afants… Dove ses sabots, ç’éta bin âgie, all lisa bïn. Nè voichi pé, qu’preufiant qu’lo mâtre nè r’diagea pé, la Rose Mouget, éne feille auchu affrouse què métchante, bouriauda Louise què voula man ïn ougé t’chu la diasse. La peure mugnotte ô tchô pésament. All ava mô tot potcho. Son dari éta tot tolâ, ïn sabot ava voula dans la noidge, all s’éta todju lo pie, la tieuche lu f’sa mo ma, chutô, all ava les g’nonyes piés d’sang, la pé breûla a pu compiat’ment écortchie ! Aveullie poi la douleur, all piouna et app’la sa mére, c’qui f’sa bïn rire les éceulies què l’on lachie tola po alla d’jure encouère. Echvanta d’vor lo sang, la môlhérouse ramessa son sabot qu’ava pedju sa bride. D’Jésus ! Lo pére ! A va m’baillie ène voula ! A d’moura la ïn meument. All froma les uyes a pu chougna, tote seule tot au bout di pra… Man qu’a f’sa mouè fra, la noidge c’mença a t’chore tot doç’ment… Quand la p’tète euvri les uyes, a n’y ava pu niun autoué d’li. Dove la noidge, les afants étint vite rentra dans l’éceule. Compiat’ment pèdjue, la mugnotte r’botta son sabot et puteu què dè r’tonna a l’éceule, s’en r’viri, sans savoi poquoi, vés les Noriandes et sa môjon en criant. Po arriva pu vite, all keupa po l’étang di pra Champagne, dans lo bas d’l’éceule. D’un keu, ène vra rioppa d’noige ô t’chô. Louise n’voya pu ran autoué d’li. Aveullie, en trétlant, manquant de t’chôre a tot meument, all travocha lo vordgie des Lacombe. All péssa d’vant la môjon dè ces d’gens, échvanta po leu t’chin qu’abaya man ïn feu. La peure mugnotte ava bïn povou dè s’fare rovouégnie po sa manman et encouère pu po son pére qu’état s’vent bïn du dove li. Môgra sa pélerine, all groûla d’fra. Ses grantes t’chôssâtes étint tote mouéyies a pu, lo pis d’tot, all ava déveura sa reube dans un bochon d’épènes noies. Si lo pére sa tot ç’la, ça vu t’chauffa a l’hôtô, qu’all sè dija, tote molhérouse. Arriva au p’tet ru des Noriandes, d’jeute en bas d’ la farme dè ses pouarents, Louise voyant sa mérè qu’étchapa di lïndge dans l’ove diassie, senti ses môs, qui s’éteu ïn pu endreumis en t’chemnant, s’révoillie d’ïn keu ! En criant, all é fu dans les bras d’ sa manman, compiat’ment ébayie d’la vore arriva a ç’t’houre. « Mon due, Louise qu’ô ç’què t’fa la a ç’t’houre ? » La p’tète raconta totes ses mijères en piounant… « Vin vite a l’hôtô, i vu t’soingnie ». Çola fut tôt fa dove la d’gentille manman. « Ma, dis vor, Louise, ton mâtre, a sa qu’tè patchie d’l’éceule ? » « Nian, manman, niun nè l’sa. » « A da s’fare di souci et se d’manda lavou qu’tè péssa. Tè va t’chaingie d’chôssattes a pu ranpiénir d’étrein soitche tes sabots, et on fue a l’éceule po l’rassura !... A l’en ava bïn b’zet, d’ête rassura, lo mâtre ! A l’ava vu tot d’suite què la petète Louise n’éta pé a sa piace, bïn chur. Niun nè sava lavou ç’ qu’all èta péssa. Dove les pu grants, a patchi man ïn feu en d’fue po la tierie. A z’avint bé rediadgea tot potcho, pé d’Louise, pé min me ène trace. A pu, a f’ra bïnteu neu ! Lo tieur battant, môs d’povou a sont alla d’jusqu’à l’étang… ran ! La noidge, vite épôsse, ava ôta tote trace… lo peure André Robert éta compiatement échvanta, anéanti. Apra qu’les afants fussent patchis, a d’moura prostré t’chu sa salle, sans savoi quoi fare. Lamoi, moi, i su pedju ! A faut prév’ni lo mâre a pu les d’gendarmes ! La peure petète ! Lamoi dè lamoi, i su coupâbye ! I n’ poreu pu vivre dove c’te t’chardge t’chu la conscience ! Ç’ô a ç’meument qu’on toka tot do’cment a la pôtche dè l’éceule… Joséphine Daval entra, tote trambyante tignant sa mugnotte po la main… « Louise !! » « Mâtre !! » La mugnotte se t’champa dans les bras di mâtre què la sérra très fô. « Tè n’é pé môtche ! » A r’mercia lo bon Due, ç’qui n’éta pé ran po lu ! Louise cria a t’chôdes lârmes La p’tète ranconta tote l’affâre. Lo rédgent, rassura, dit qu’a f’ra d’main la l’çon aux afants, qu’a f’ra, lu min me, encouère pu attention a l’av’ni, a pu qu’a l’ira vor Maurice, lo pére Daval, po causa dè tot ç’la a pu d’la mugnotte… Monsue Robert, què cugniocha bïn lo pére Daval, vint lu causa t’chie lu lo soi min me. Tot ç’ô péssa d’vant ène botaille dè gotte. « Ta mugnotte, ô travaillouse et bïn maline po son âdge... Si tè l’vu, Maurice, i porreu bïn la prépara a péssa l’examen des bourses l’onna què vint. Nè dis ran. I sa qu’veu n’êtes pé rèchtes ma ça n’veu keut’ra pé grant t’cheuse… ta Louise pora bïn dèv’ni ïn bé d’jo matrôsse d’éceule… tè vu vor, Maurice, binteu, tè s’ra fie dè ta mugnotte ! » « A n’en ô pé quastion ! La mugnotte ô ene feille dè paiysan. All vu d’moura au viladge po maria ïn cultivateur man son pére ! » « A faut causa … voche no encouère ïn vore, Maurice ! » L’affâre n’état pé gaingnie… a faya lu fare entendre rôjon, a c’bougre dè Maurice ! « Dis vor, Maurice, t’é bïn déclara tes cent litres de gotte ? Hein » ? « Ma … ? » « Il sa bïn què tè déclare la moitie… » « Ma… ? » « Té t’rapeule totes les bétiges què t’é fa a l’éceule ? Tè n’vu pé qui en cause a ta mugnotte, tot d’min me ? « Ma… ? » C’n’éta pé âgie dove ç’t’arsouille dè Maurice ! A z’on causa longtemps… « Dis vor, on fa quoi po la mugnotte ? Ç ’ô toi lo pére… bïn, dis tièque t’cheuse ! Tè vu lu gâtchie sa vie, ou quoi ? » « Bon… i su d’accord ma… veu m’ava bïn dit qu’ça n’mè keut’ra pé grant’cheuse ?... » « Pareule d’home ! Tope-la ! Ç’ô din na què l’affâre fut fate dèvant tièques grants vores dè gotte et qu’la d’jona finit d’la moyou des façons po la petète Louise, qui dreumait dè ç’temps d’ïn bon somme d’afant hérouse ! Cette histoire ô p’t’être bïn ïn pu désuète aux d’jos d’aujd’heu ma, voites vos, c’éta dinna, la vie, dans lo temps péssa… D’apra les souv’nis d’afance dè Jacqueline Péquignot Po lo Michel d’Etchavonne dove lo Michel a pu lo Joêl dè Frahie qui l’on âdie po lo patois Les patoisants dè Frahie veu baillent rendez vous a la salle culturelle de Frahie les 10, 11, 18 et 19 avri po leu 9e pice dè théâtre en patois  LO KEU DI PERE FRANCOIS En tros actes a pu, bïn chur, en rigolade. ----