Publié dans le Quotidien Jurassien le 11 janvier 2018
Ïn r’méde de tchvâ
Le P’tèt Charles ât malaite, aîye, bïn malaite. Dâ pus d’ïn mois, è voidge lai tchaimbre. È teusse tot lai neût, ènne de ces reutches è vôs détchirie le chioûeçhat, qu’ çoli fait mâ d’ l’oûyi. È pyaint, è teusse dains son tieûchain, è s’ siete dains son yét po aiboiyie, è tchie son moétchou, enfûe, étieupe, chiôçhe, renfûe. È s’ traînne en lai tieujènne pô s’ tchâdaie ènne tijainne d’avô di miele. Djemais d’ gotte. Son méd’cïn qu’ât chtrèngue yi é défendu. È boit son thé è p’tèts côps d’ landye, eurtoène â yét. Lai reutche le r’prend, ènne savaidge reutche que le ch’coue sains pidie. Çte poûere Djulia n’é pus ènne neût d’ boènne.
Le P’tèt Charles ât malaite, aîye, bïn malaite. Sirops ne taiblattes ne v’nyant è bout d’ ci mâ que traînne cment l’huvie, que yi tyire des laigres èt yi creuye les djoues. Çoli fait d’ lai poène de voûere ci P’tèt Charles d’aivô sai croûeye mine èt son nèz qu’eurchele.
È pésse ses djouénèes drie lai f’nétre, è bourre son foénat. Dains l’ poille, è fait ènne tchalou d’enfie. Des côps, è bote chu ses épales ènne grosse tçhvétche de lainne èt vait djuqu’en l’étale, voûere sai fidèle djument Fleurette qu’ât bïn malaite èlle âchi.
Lai djument di P’tèt Charles ât malaite, aîye, bïn malaite. Dâ pus d’ïn mois, èlle teusse que çoli fait pidie. Èlle ât étendue chu l’étrain èt grule dôs dous tçhvétches.
Le P’tèt Charles ât malaite d’ lai voûere malaite. Ç’ât vrai que, cment le P’tèt Charles, èlle n’ât pus tote djûene. Ès sont tos les dous d’ïn âtre temps.
Le vét’rinaire n’é léchie âtiun échpoi. «
È vôs fât l’aibaittre.
» Mains le P’tèt Charles n’en é p’ le coéraidge. «
Mai Fleurette, ç’ât lai moitie d’ mai vétyaince.
»
«
Sacré, P’tèt Charles. T’és touedge vétyaint
? Ç’ât l’ Djôsèt d’ lai Paiture que vïnt voûere son véye caim’rade. «
I aî musè en ton tchvâ. Tïns, voili ènne botoiye d’épnâle. Te y en bèy’rés ïn pô dains tai main. T’en pârés âchi.T’ n’és p’ fâte d’ le dire â dottoè, ne en tai fanne. T’ veus voûere, vôs s’rés chu pie tos les dous po l’ paitchi feu.
»l
Le P’tèt Charles é paitaidgie. Tchéque jouè, ènne empâmèe po le tchvâ, ènne goulèe po lu. Le P’tèt Charles s’ât r’voiri, mains lai Fleurette ât crevè.
Notes :
le chioûeçhat, la poitrine
eurchelaie, couler, ruisseler
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Un remède de cheval
Le P’tit Charles est malade, oh oui, bien malade. Cela fait plus d’un mois qu’il garde la chambre. Il tousse toute la nuit, une de ces toux à vous déchirer la poitrine. Cela fait mal de l’entendre. Il geint, il tousse dans son oreiller, il s’assied dans son lit pour aboyer, il cherche son mouchoir, allume, crache, reprend son souffle, éteint. Il se traîne à la cuisine pour se chauffer une tisane avec du miel. Jamais de goutte. Son médecin la lui a sévèrement interdite. Il lape sa tisane et retourne se coucher. La toux le reprend, une toux âpre qui le secoue sans ménagement. La pauvre Julia n’a plus une nuit de repos.
Le P’tit Charles est malade, oh oui, bien malade. Ni sirops ni tablettes ne viennent à bout de ce mal qui s’éternise comme l’hiver, qui lui tire les larmes des yeux et lui creuse les joues. Le P’tit Charles fait peine à voir avec sa mine défaite et son nez qui coule.
Il passe ses journées derrière la fenêtre, il bourre son fourneau. Dans la chambre, il fait une chaleur infernale. Parfois, il couvre ses épaules d’une grosse couverture de laine et va jusqu’à l’écurie, voir sa fidèle jument Fleurette qui est bien malade, elle aussi.
La jument du P’tit Charles est malade, oh oui, bien malade. Depuis plus d’un mois, elle tousse à faire pitié. Elle est étendue sur la paille et tremble sous deux couvertures.
Le P’tit Charles est malade de la voir malade. Il est vrai que, comme le P’tit Charles, elle n’est plus de première jeunesse. Ils sont tous les deux d’un autre temps.
Le vétérinaire n’a laissé aucun espoir. «
Il vous faut l’abattre.
» Mais le P’tit Charles n’en a pas le courage. «
Ma Fleurette, c’est la moitié de ma vie.
»
«
Sacré, P’tit Charles. T’es toujours en vie
?
» C’est Joseph de la Pâture qui rend visite à son vieux camarade. «
J’ai pensé à ton cheval. Tiens, voilà une bouteille de prunelle. Tu lui en feras prendre un peu dans ta main. Tu en prendras aussi. Tu n’as pas besoin de le dire à ton docteur. Ni à ta femme. Tu verras, au printemps, vous serez sur pied tous les deux.
»
Le P’tit Charles a partagé équitablement. Chaque jour, une paume pour le cheval, une gorgée pour lui. Le P’tit Charles s’est rétabli, mais lai Fleurette a crevé.