Publié : 3 novembre 2023

Une Ajoulotte derrière la barrière des röstis

Ènne Aidjolatte drie lai bairre des röstis

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 3 novembre 2023

Ènne Aidjolatte drie lai bairre des röstis

{Source : Jean-Marie Voirol, Porrenruy} Voi lai fïn d’ lai dyiere, en 1944, è y aivait des soudaits suisses allemands stationnès dains not’ v’laidge, des Schwytzois, des Unterwaldiens. Ès étïnt li po défendre lai frontiere. Cés djûenes soudaits f’sïnt d’ l’eûye en nos baîchattes ; çtées-ci réponjaient poi des aimâbyes çheuris. Çoli n’allait dyère pus loin. Tot’fois, yènne ât tchoée aimoérouse. Èlle en é mairiè yun èt èlle ât paitchie vivre d’aivô lu â bord di Laic des Quaitre Cantons, che loin des sïnnes qu’ èlle ne poéyait p’ rentraie s’vent. Èlle é t’aivu chés afaints. Ïn djoué d’ novembre, èlle téléphone en sai mére èt èlle yi dit : « Mére, te sais, mit’naint qu’ les afaints sont éy’vès, i ainmerôs bïn r’veni po lai Sïnt-Maitchïn. » -Eh bïn, çoli nôs f’rait pyaiji. È y é che grant qu’an n’ t’ont pe revue. Vôs v’lèz v’ni tote lai rote, ton hanne âchi èt peus les chés afaints ? Ç’ât po saivoi cobïn qu’ nôs s’rons en lai tâle. - Nian, i les léche en l’hôtâ. Pô ïn côp, ès s’poéyant chiquaie sains moi. Â v’laidge, èlle retrôve des véyes coégnétchainces. - Èt peus, cment qu’ çoli vait tchie cés Teutons ? - Des fïns meus. Ès sont tus dgentils d’aivô moi. - Èt yote laindye ? Ç’ n’ât p’ trop du ? - I m’y seus fait. I comprends tot dâ l’ temps. Ès çhôriant è câse de mon accent. Oh, sains métchainc’tè. Ès m’aipp’lant lai Wèlche èt peus ès dyant qu’i aî di tempérament. Tyaind qu’ès m’ encouénnant, i leur réponds en patois. Note Tyaind qu’ès m’ encouénnant, quand ils me provoquent ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Une Ajoulotte derrière la barrière des röstis

Vers la fin de la guerre, en 1944, des soldats suisses allemands stationnaient dans notre village, des Schwytzois, des Unterwaldiens. Ils étaient là pour couvrir la frontière. Ces jeunes militaires faisaient de l’œil à nos filles ; celles-ci répondaient par d’aimables sourires. Cela n’allait guère plus loin. Toutefois, l’une d’elle est tombée amoureuse. Elle en a épousé un et elle est partie vivre avec lui au bord du Lac des Quatre Cantons, tellement loin des siens qu’elle ne pouvait pas rentrer souvent. Elle a eu six enfants. Un jour de novembre, elle téléphone à sa mère et lui dit : « Maman, tu sais, , maintenant que les enfants sont élevés, j’aimerais bien revenir pour la Saint-Martin. » -Eh bien, ça nous ferait plaisir. Il y a si longtemps qu’on ne t’a pas revue. Vous venez tous, ton mari et les enfants aussi ? C’est pour savoir combien nous serons à table. - Non, je les laisse à la maison. Pour une fois, ils peuvent se débrouiller sans moi. Au village, elle retrouve de vieilles connaissances. - Et alors, comment ça va chez ces Allemands ? - Très très bien. Ils sont tous gentils avec moi. - Et leur langue ? Ce n’est pas trop difficile ? - Je m’y suis faite. Je comprends tout depuis le temps. Ils sourient à cause de mon accent. Oh, sans méchanceté. Ils m’appellent la Welsche et disent que j’ai du tempérament. Quand ils me provoquent, je leur réponds en patois. { {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022- 23}} } {{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}