Publié : 26 mars 2021

Des produits miracles

Des produts miraîtçhes

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 26 mars 2021

Des produts miraîtçhes

Lai Rosalie, cïntyante ans, rentre d’ lai vèlle d’aivô ïn sait rempiâchu de produts miraîtçhes po se r’faire ènne biâtèe. Lai vendouje yi é aichurè que tos ces produts lai f’raint pus djûene d’â moins dieche ans. En l’hôtâ, ran d’ pus preussie que d’ déballaie ses aitchaits ch’ lai tâle de lai tyeujainne. È y aivait ènne botaiyatte d’hoile és pyaintes savaidges po choingnie le meuté frognie, di laicé d’ cramias mâçhè d’aivô d’ lai baive de cocréyatte po faire lai pé pus douçatte, di bâme de pitçhas po bèyie d’ lai raimboiyaince és pois, i n’ sais p’ cobïn d’ pammades, des rouges, des bieuves. È y aivait des pouss’rates, ïn vèrnis po les onyes des mains, ïn âtre po cés des aitchayes. En tot, è y en aivait po dous trâs cents francs. Èlle tïnt è prôvaie tot comptant ces produts d’vaint qu’ son hanne ne r’venieuche. « De toute faiçon, cment qu’i le coégnâs, è n’ veut ran me r’preutchaie. È n’ dit djemais ran. » Èlle se dévêt, enfile sai reubatte de tchaimbre poi d’chus sai p’tète tiulatte, entre dains les cab’nèts po éprovaie ses produts d’ biâtè. Èlle é dous boénnes hoûres d’vaint lée. Voi les chés, èlle bote sai pus bèlle véture po aittyeuyi son hanne. Ch’ l’égraîyon, èlle se tchaimpe en son cô, le chmoutse èt l’entrïnne dedains. - Siete-te, raivoéte-me, èt dis-me cment qu’ te m’troves ? - Te sais bïn que po moi t’és lai pus bèlle. - Mains te n’ me troves pe tchaindgie ? Dis m’ voûere, quél aidge que te m’ bèyes ? - Po les pois, trente ans. Po l’ visaidge, vingt-cïntye, po les brais, dieche-heûte . - Oh, qu’ t’és dgentil ! - Aittends, aittends ! I n’ai p’encoé fait l’ total. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Des produits miracles

Rosalie, cinquante ans, rentre de la ville avec un sac de cosmétiques supposés lui refaire une beauté. La vendeuse lui a assuré que ces produits miracles la rajeuniraient d’au moins dix ans. À son retour, elle a hâte d’étaler ses achats sur la table de la cuisine. Il y avait une bouteille aux huiles essentielles efficaces contre les rides, du jus de pissenlits associé à la bave d’escargots et destiné à adoucir la peau, du baume d’orties pour une chevelure éclatante, et nombre d’onguents colorés, des poudres, un vernis pour les ongles des doigts, un autre pour ceux des orteils. En tout, il y en avait pour quelques centaines de francs. Elle a tenu à essayer ces produits avant le retour de son mari. « De toute façon, il ne me fera aucun reproche. Il ne dit jamais rien. » Elle se déshabille, enfile son peignoir par dessus sa petite culotte et entre dans la salle de bain pour tester ses articles. Elle dispose de deux bonnes heures. Il est environ six heures du soir. Elle enfile sa plus belle robe pour accueillir son mari. Sur le seuil de porte, elle se jette à son cou, l’embrasse et l’entraîne à l’intérieur. - Assieds-toi, regarde-moi et dis-moi comment tu me trouves ! - Tu sais bien que, pour moi, tu es la plus belle. - Tu ne me trouves pas changée ? Dis-moi, quel âge tu me donnes ? - Pour les cheveux, trente ans. Pour le visage, vingt-cinq, pour les bras, dix-huit . - Oh, que tu es gentil ! - Attends, attends ! Je n’ai pas encore fait le total.