Paru dans le Quotidien Jurassien du 2 décembre 2016
Les aifrelès
I aivôs travaillè tote la djouénèe. I étôs éroingnèe. Ces djoués, ran n’ vai pus. I aî les tchaimpes cment di piomb. D’aivô ci froid, i aî des crevaisses és mains, chutot tiaind qu’i fais lai bûe. Le tchaip’lat di dos, ç’ât drèt ènne pierche de faivioles. I aivôs trimè tote lai vâprèe, I n’en poéyôs pus. I n’ aivôs pus qu’ènne envietaince, me rédure. Â yét sains d’mainaie mon rèchte.
I ôs fri en lai poûetche.
- Entrèz pie
!
C’était lai Mairie di Pont d’aivô son hanne.
- Yè bonsoi les dgens, qu’i yôs dis. I seus bïnhèy’rouse de vôs voûere. Sietèz-vôs
! Qu’ât-ce que vôs v’lèz boire
?
- Mon Dûe, ran, que fait lai Mairie. I aivôs fâte de voûere des dgens. I aî dit en mon hanne : Nôs n’ains ran è faire. È n’y é ran en çte laivimaidge. Nôs poérrïns allaie tchie çte Mad’leinne. Çte poûere dgen qu’ât aidé tote pai lée. Dâ qu’ son Tave ât moûe, èlle ne voit djemais niun. Çoli yi péss’rait l’temps.
- D’moérèz pie. I vôs veus faire ïn café. Èt peus, i aî d’lai boènne gotte.
Po d’moéraie, ès sont d’moérès È m’ sannait qu’ès n’ v’lïnt djemais paitchi. I raivoétôs l’eurlodge. Les pâpieres me tchoiyïnt. Ah ç’ qu’ è m’ tairdait de r’trovaie mon yét. Ès sont y’vès qu’èl était péssè mineût.
- Boènne neût, Mad’leinne. Nôs vlans y allaie. Vôs daites étre sôle.
- Pensèz vôs. Vôs èz bïn fait d’veni. Rev’nites tiaind qu’ vôs v’lèz.
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Les importuns
J’avais travaillé toute la journée. J’étais épuisée. Ces jours, rien ne va plus. J’ai les jambes comme du plomb. Avec ce froid, j’ai des crevasses aux mains, surtout quand je fais la lessive. L’échine dorsale, c’est comme une perche à haricots. J’avais trimé tout l’après-midi. Je n’en pouvais plus. Je n’avais plus qu’un désir : me coucher. Au lit sans demander mon reste.
J’entends frapper à la porte.
-- Entrez donc
!
C’était Marie duPont et son mari.
-- Bien le bonsoir, braves gens
! leur dis-je. Je suis contente de vous voir. Asseyez-vous
! Qu’est-ce que vous voulez boire
?
-- Mon Dieu, rien, répond Marie. J’avais besoin de voir du monde. J’ai dit à mon mari : Nous n’avons rien à faire. Il n’y a rien à la télévision. Nous pourrions rendre visite à Madeleine. La pauvre, elle est toujours seule. Depuis la mort de Gustave, son mari, elle ne voit jamais personne. Ça lui passerait le temps.
-- Je vais vous faire un cadé. Et puis, j’ai de la bonne goutte.
Pour ce qui est de rester, ils sont restés. Il me semblait qu’ils ne repartiraient plus. Je regardais l’horloge. Mes paupières se fermaient d’elles-mêmes. Il me tardait de retrouver mon lit. Il était passé minuit quand ils se sont enfin levés.
-- Bonne nuit, Madeleine. On va y aller. Vous devez être fatiguée.
-- Pensez donc. Vous avez bien fait de venir. Revenez quand vous voulez.
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La chronique patoise du
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