
Publié dans le Quotidien Jurassien le 30 janvier 2025
Croux de bôs.
Le Fèrnand, le boûebe de lai Mathilde, était sculpteur chu bôs. Ç’ât ïn métie que d’mainde de l’épièt, des coégnéchainces, d’ l’aivisoûere èt brament d’imaîdginâchion. D’ènne piece de bôs, è vôs soûetchait ènne tchvatte, ïn pie d’ laimpe, ènne étiéye. È sculptait des béb’lats, des boétes è seuv’nis, des bonbonnieres, des tchaip’lats. È n’ faisait p’ des sabats. Èl airait poéyu. È léchait ci traivail â sabotie di yue qu’aivait fanne èt afaints. Lu était d’moérè véye boûebe èt vétyait d’aivô sai mére qu’aivait péssè les quaitre-vingts.
Tiaind qu’ çte braive daime é vu le bé cruch’fix en tyat qu’ son boûebe aivait sculptè po l’ tyûrie, èlle yi dit : « Te dairôs m’en faire ïn meinme, hein, mon p’tèt Fèrnand. »
L’artichte, qu’ainmait sai mére pus que tot, s’ât botè â traivail. Le chrichte en bôs qu’è yi é euffri était encoé pus bé que çtu di tyurie.
È dg’nonyons â pie d’ son cruch’fix, lai Mathilde f’sait sai prayiere : « Bon Dûe de bôs, ç’ât mon boûebe que t’é fait, ç’ât moi qu’aî fait mon boûebe. Bénis tai véye grant-mére. »
Notes
de l’épièt, de l’habileté
en tyat, en tilleul
Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Croix de bois.
Fernand, le fils de Mathilde, était sculpteur sur bois. C’est un métier qui demande de l’habileté, des connaissances, de la fantaisie et beaucoup d’imagination. D’une pièce de bois, il vous sortait une chouette, un pied de lampe, une écuelle. Il sculptait des jouets, des boîtes à souvenirs, des bonbonnières, des chapelets. Il ne faisait pas de sabots. Il aurait pu. Il laissait ce travail au sabotier du lieu qui avait femme et enfants. Lui était resté célibataire et vivait avec sa mère qui avait passé quatre-vingts ans.
Quand cette brave dame a vu le beau crucifix en tilleul que Fernand avait sculpté pour le curé, elle lui dit : « Tu devrais m’en faire un même, hein, mon petit Fernand. »
L’artiste, qui aimait sa mère plus que tout, s’est mis au travail. Le christ en bois qu’il lui offrit était encore plus beau que celui du curé.
À genoux au pied de son crucifix, Mathilde faisait sa prière : « Bon Dieu de bois, c’est mon fils que t’a fait, c’est moi qui ai fait mon fils. Bénis ta vieille grand-mère. »
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