Publié : 6 décembre 2019

Le docteur aime les noisettes

Le dottoé ainme les neûjéyes

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 6 décembre 2019 {Le Bon Dûe envie des neûjéyes en cés que n’aint pus d’ dents}.

Le dottoé ainme les neûjéyes

Le dottoé é raindgie sai dyïmbarde d’vaint tchie lai Virdginie è l’ombre dôs l’grôs nouêchie. Ç’ât encoè yun des dries méd’cïns que s’ dépiaice tchie les malaites èt tchie les véyes. Èl entre sains toquaie, lai poûetche n’ât dj’mais fromèe è çhièe. Dains l’allou, è breûye poécheque lai Virdginie ât ïn pô soûedge : « Ç’ât l’ méd’cïn ! » Ènne voix enreutch’nèe yi répond d’enson : « Montèz pie ! Vôs coégnâtes le tch’mïn. » Èl entre dains lai tchaimbre. - Èstiujètes-me. I m’ seus botèe â yét. - Vôs n’èz p’ fâte de vôs èstiujaie. Vôs èz bïn l’ drèt d’ vôs r’posaie. Vôs èz prou traivaiyie dains vot’ vétyaince, d’aivô ces heûte afaints èt pe ci train d’ paiyisïn. D’moérèz li, i vôs veus auchcultaie. Ch’ lai tâle de neût, è y é ènne assiete d’aivô des neûjéyes. Tot en auchcultaint lai véye daime, le dottoé greûjye des neûjéyes, che bïn qu’en lai fïn, è n’en d’moére pus âtyune ch’ l’aissiete. - Oh, Virdginie, i vôs aî maindgie totes vôs neûjéyes - Vôs èz bïn fait, Dottoé. Not’ Djulat que traivaiyie és pochtes è Biene, tchéque côp qu’è m’vïnt voûere, è m’appoétche ènne taiblatte. È sait qu’i ainme le chocolat. Mains ç’ craipâd aitchete aidé di chocolat és neûjéyes. C’ment qu’i n’aî pus d’ dents, i tcheule le chocolat èt peus i r’tieupe les neûjéyes. Note greûgyie, grignoter ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
DR-100_1046.mp3
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{Le Bon Dieu envoie des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents}.

Le docteur aime les noisettes

Le docteur a rangé sa voiture devant la maison de Virginie à l’ombre du grand noyer. C’est encore un des derniers médecins qui se déplace chez les malades et chez les personnes âgées. Il entre sans frapper, la porte n’est jamais fermée à clé. Dans le corridor, il crie parce que Virginie est un peu dure d’oreille : « C’est le médecin ! » Une voix enrouée lui répond du premier étage : « Montez ! Vous connaissez le chemin. » Il entre dans la chambre. - Excusez-moi ! Je me suis recouchée. - Ne vous excusez pas ! Vous avez bien le droit de vous reposer. Vous avez suffisamment travaillé dans votre vie, avec ces huit enfants et le domaine agricole. Restez-y, je vais vous ausculter. Sur la table de nuit, il y a une assiette avec des noisettes.Tout en auscultant la vieille dame, le docteur grignote des noisettes, si bien qu’à la fin, il n’en reste plus aucune sur l’assiette. - Oh, Virginie, je vous ai mangé toutes vos noisettes. - Vous avez bien fait, Docteur. Chaque fois qu’il me rend visite, mon fils Julot qui travaille à la poste à Bienne m’apporte une tablette. Il sait que j’aime le chocolat. Mais le polisson achète toujours du chocolat aux noisettes. Comme je n’ai plus de dents, je suce le chocolat et je recrache les noisettes.