Publié : 15 décembre 2023

Négociation

Négochiâchion

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 15 décembre 2023

Négochiâchion

Dâ tyïnze annèes qu’èl ât en l’ujine, le p’tèt Laon tchie l’ Grôs - son pére s’aippeule âchi Laon - é aidé lai meinme paiye. Èl ât d’moérè â bés d’ l’étchiele. È trove çoli indjuste, lu qu’ât ïn conscienciou l’ ôvri, touedje en l’hoûere, èt qu’ n’é p’ djemais maintyè ïn djouè d’ traivaiye. Djuqu’è mit’naint, totes ses d’maindes sont aivu r’fujèes. Çoli n’ peut pus durie. En arrivaint en son pochte ci maitïn, è dit en ses caim’rades : - I aî t’aivu d’ lai paitience, brament. I aî aittendu, mains mit’naint çoli seuffit. I aî rendèz-vôs és dieche d’aivô l’ paitron. I yi veus dire : O bïn vôs m’augmentèz, o bïn i m’en vais ! Le contremaître : « T’ veus vrâment yi djâsaie dïnche ? T’en airés l’ coéraidge toi que t’ fais aidé rôlaie ? » - Yé bïn, ci côp, i n’ veus p’ me léchie faire. I en aî pus que prou. Vôs v’lèz voûere ç’ qu’ vôs v’lèz voûere. Pô d’vaint les dieche, è s’yeuve, è tyitte sai maichine. È s’rend â cab’nèt di diridjou d’ïn pas déchidè. Ïn quât d’hoûere pus taîd, èl ât de r’toé. - Dâli, yi d’mainde le contremaître, t’yi és djâsè â paitron. È t’és aiccoédgè ç’ que te v’lais ? - Ç’ n’ât chi sïmpye. È m’é djâsè d’ lai situâchion économitye. Ç’ n’ât p’aijie po lu non pus. Les commaindes ne râtant pe d’béchi È dait tot d’ meinme faire touénaie son aiffaire. Nôs ains dichcutè entre hannes èt, po fini, nôs ains copè lai poire en dous : È n’ m’augmente pe çt’annèe, èt pe moi i d’moére. Mains l’an qu’ vïnt, vôs v’lèz voûere ç’ qu’ vôs v’lèz voûere. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Négociation

Depuis quinze ans qu’il est à l’usine, le petit Léon chez l’Gros - son père s’appelle aussi Léon - touche toujours la même paye. Il est resté au bas de l’échelle. Il trouve cela injuste, lui qui est un ouvrier consciencieux, toujours à l’heure, et qui n’a jamais manqué un jour de travail. Jusqu’à maintenant, toutes ses demandes ont été refusées. Cela ne peut plus durer. Ce matin, en arrivant à son poste, il dit à ses camarades : - J’ai eu de la patience, beaucoup. J’ai attendu, mais à présent ça suffit. J’ai rendez-vous à dix heures avec le patron. Je lui dirai : Ou bien vous m’augmentez, ou bien je m’en vais ! Le contremaître : « Tu vas vraiment lui parler comme ça ? Tu en auras le courage toi qui te fais régulièrement rouler ? - Eh bien, cette fois, je ne vais pas me laisser faire. J’en ai plus qu’assez. Vous allez voir ce que vous allez voir. Peu avant dix heures, il se lève, il quitte sa machine. Il se rend au bureau du directeur d’un pas décidé. Un quart d’heure plus tard, il est de retour. - Alors, lui demande le contremaître, tu lui as parlé au patron. Il t’a accordé ce que tu voulais ? - Ce n’est pas aussi simple. Il m’a parlé de la situation économique. Ce n’est pas facile pour lui non plus. Les commandes diminuent sans cesse. Il doit faire tourner son affaire. Nous avons discuté entre hommes et, pour finir, nous avons coupé la poire en eux : Il ne m’augmente pas cette année, et moi je reste. Mais l’année prochaine, vous allez voir ce que vous allez voir. ---- { {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022- 23}} } {{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}