Jeux d’enfants
Djûes d’ afaints
jean-Marie Moine
Paru dans Arc Hebdo le 4 juillet 2014
Djûes d’ afaints
L’ âtre djoué, i péssôs dains l’ Coeurti di Sâtie (Paîrtçhe de l’ Heûchie) en Lai Tchâ-d’ Fonds. Tiaind qu’ è y é quéqu’un, des afaints chutôt, ç’ ât ïn piaîji po moi d’ m’ airrâtaie pe d’ rai-voétie ç’ que s’ pésse dains ci yûe, ç’ que les vend’lous faint. Ci djoué-li, dous p’téts l’afaints s’ porcheuyïnt dains ïn grôs tyau en pioupnaint, ïn âtre se croûetchait, montè en aimaijone chus ïn p’tét tch’vâ è r’soûe. È tchaintait. Dains ïn âtre câre di coeurti, ïn boûebat pe ènne baîch’natte qu’ aivïnt les dous è pô prés dieche ans, étïnt sietè chus l’ meinme bainc, daivô tchétçhun ènne nim’rique tâbiatte. Ès piainotïnt chus ç’te moudranne « poûerie » sains ran voûere d’ âtre, sains ran faire d’ âtre, sains dire piepe ïn môt. Ces dous « poûeres »
l’ afaints s’ enframïnt dains ïn priegond goïchme… : l’ goïchme de note iconanmique sochietè qu’ fait è péssaie les sôs, lai rétchainche, l’ oûerdyeyouje grôte, lai gloûeriôle…, d’vaint les vrâs valous. És rédjoyéchaints breûyèts qu’ soûetchïnt di tyau, â douçat tchaint di djûene caivalie, réponjait lai trichte coidge des dous âtres l’afaints. I m’seus musè en lai tchaince
qu’ nôs ains t’ aivu, nôs afaints, de n’ pe étre aivu aiveuyie poi tot lai raimôle d’ note mâlhèy’rouje sochietè d’ siede (société de consommation). Çoli m’ é bèyie l’ aivisâle de môtraie, di temps d’ lai d’riere aichembyèe d’ l’ Émulâchion, è Sïnt-Émie, c’ment qu’ afaints, nôs djuïns â quinèt. Po aipparoiyie ci djûe, nôs n’aivïns ran fâte que d’ braintchattes pe d’ ïn gainivèt po les copaie.
Les afaints qu’ djuïnt â quinèt piaintïnt doûes fouértchues braintches en frame d’« y » en tiere, pe piaicïnt poi d’tchus hourijontâment, ïn bout d’ bôs. D’ aivô ïn âtre bout d’ bôs, l’ quinèt, tchétçhe afaint fiait poi le d’dôs, l’ hourijontâ bôs, po l’ toulaie l’ pus laivi pôchibye. Aiprés aivoi toulè l’ bôs, l’ afaint maîrtçhait, daivô sai piere, l’ yûe laivoù qu’ son bôs était r’tchoi. Ç’tu qu’ aivait toulè l’ bôs l’ moins laivi était éy’menè. An rècmençait en péssaint l’ quinèt poi d’dôs l’ brais (c’ était dôs brais), pe poi d’dôs le drie (c’ était dôs tiu), p’ enfïn poi d’dôs lai tieuche (c’ était dôs tieuche). L’ djûe s’ finéchait aiprés qu’ le djvou qu’ n’ était p’ aivu éy’menè aiveuche encoé r’tirie d’aivô les deints ïn bout d’ bôs piaintie en tiere. I crais qu’ çoli é piaîju és dgens. En tot câs, ènne djûene fanne était bïn aîje d’ aivoi aippris çoli. Èlle m’ é dit qu’ èlle v’lait djûere daivô son boûebat â quinèt. I n’ aî p’ rébyè d’ yi dire qu’ i m’ rélâdgeôs d’ lai tchaince qu’ aivait son afaint.
J-M. Moine
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Jeux d’enfants
L’autre jour, je passais dans le Jardin du Sautier (Parc de l’Huissier) à La Chaux-de-Fonds. Quand il y a quelqu’un, surtout des enfants, c’est un plaisir pour moi de m’arrêter pour voir ce qui se passe dans ce lieu, ce que les promeneurs font. Ce jour-là, deux petits enfants se poursuivaient dans un grand tuyau en criaillant, un autre se balançait, monté en amazone sur un petit cheval à ressort. Il chantait. Dans un autre coin du jardin, un garçonnet et une fillette qui avaient les deux à peu près dix ans, étaient assis sur le même banc, avec chacun une tablette numérique. Ils pianotaient sur cette « saloperie » moderne sans rien voir d’autre, sans rien faire d’autre, sans dire un mot. Ces deux « pauvres » enfants s’enfermaient dans un profond égoïsme… : l’égoïsme de notre société économique qui fait passer l’argent, la richesse, la réussite orgueilleuse, la gloriole… avant les vraies valeurs. Aux cris réjouissants qui sortaient du tuyau, au doux chant du jeune cavalier, répondait le triste silence des deux autres enfants. J’ai songé à la chance que nous avons eue, nous enfants, de ne pas avoir été aveuglés par toute la réclame de notre société de consommation. Cela m’a donné l’idée de montrer lors de la dernière assemblée générale de l’Emulation, à Saint-Imier, comment enfants, nous jouions au quinet. Pour préparer ce jeu, nous n’avions besoin que de branchettes et d’un canif pour les couper.
Les enfants qui jouaient au quinet plantaient deux branches fourchues en forme de « y » en terre, plaçaient par-dessus, horizontalement, un bout de bois. Avec un autre bout de bois, le quinet, chaque enfant frappait par le dessous, le bout de bois horizontal, pour le projeter le plus loin possible. Après avoir projeté le bois, l’enfant marquait avec sa pierre, l’endroit où était retombé son bois. Celui qui avait projeté le bois le moins loin était éliminé. On recommençait en passant le quinet par-dessous le bras (c’était sous bras), puis par-dessous le derrière (c’était sous cul) et enfin par-dessous la cuisse (c’était sous cuisse). Le jeu se finissait après que le joueur qui n’avait pas été éliminé eût retiré avec les dents, un bout de bois planté en terre. Je crois que cela a plu aux gens. En tout cas, une jeune femme était contente d’avoir appris cela. Elle m’a dit qu’elle voulait jouer avec son garçonnet au quinet. Je n’ai pas oublié de lui dire que je me réjouissais de la chance qu’avait son enfant.
J-M. Moine