Paru dans le Quotidien Jurassien du 4 novembre 2016
Le soûeta des moûes
Mon grant-pére aivait ïn soûeta qu’aivait ïn troubyaint povoi. Èl ainnonchait les aigonies. Tiaind les cieutches soénnïnt ïn trépâs, le soûeta nôs aivait dj’ aivijès. Ç’ n’était qu’ïn sïmpye soûeta de tieudre cment cés des ptéts bardgies. Ci soûeta était suchpendu poi ènne çhioûere en ïn çhio contre le biffat d’ lai tieujènne. È n’ sèrvait è ran d’âtre qu’è ainnonchie les moûes.
Tchéque côp qu’ïn bairoitchou chtèrbait, hanne, fanne, véye o afaint, le soûeta boudgeait cment l’ bailancie di r’leudge di poiye. Tiaind qu’ l’ gros Colas s’en feut aiprés ènne londye èt pénibye aigonie, le soûeta s’ât baroéyie ènne demé-hoûere. Tiaind qu’ le djûene Tadé é t’aivu son aiccreû dains lai foérêt – tyuè ch’le côp, écâçhè dos l’aibre qu’é v’nyait d’aibattre -, le soûeta n’é fait qu’ïn vait-è-vïnt èt s’ât râtè.
Mon grant-pére é f’ni ses djoués en lai mâjon d’ véyes. È s’y pyaijait bïn. È f’sait son p’tèt toué tchéque vâprèe, è s’ râtait en lai Cigogne po boire son tchâvé. È se poétchait des fïns meus. Niun n’ s’aittendait à ç’ qu’è paitcheuche dïnche chôbit’ment.
Nôs étïns en lai tâle tiaind qu’ le laividjâse é soénnè. C’était lai soeur Monique. «
I aî ènne trichte novèlle .
» Mai tainte Bertha é fait l’ saingnat d’ crou. Mai mére é dit : «
Oh, èl aivait ïn bé l’aidge.
» Mon pére n’é ran dit, mains èl é raivoétè d’lai sens di biffat. Le soûeta des moûes n’était pus li.
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Le bâton des morts
{Mon grand-père avait un bâton au pouvoir troublant. Il annonçait les agonies. Quand les cloches sonnaient un trépas, le bâton nous avait déjà avertis. Ce n’était qu’un simple bâton de noisetier comme ceux des petits bergers. Ce bâton était suspendu par une ficelle à un clou contre le buffet de la cuisine. Il ne servait à rien d’autre que d’annoncer les morts.
Lorsque quelqu’un dans la paroisse était sur le point de mourir, homme, femme, vieillard ou enfant, le bâton vacillait comme le balancier de la grande pendule du salon. Quand le gros Colas s’est éteint, après une longue et pénible agonie, le bâton s’est balancé pendant une demi-heure. Quand le jeune Tadé a eu son accident en forêt – tué sur le coup, écrasé sous l’arbre qu’il venait d’abattre -, le bâton n’a fait qu’un seul mouvement et s’est arrêté aussitôt.
Mon grand-père a fini ses jours à l’hospice des vieillards. Il s’y plaisait bien. Il faisait sa promenade chaque après-midi, s’arrêtait à la Cigogne pour boire sa chopine. Il se portait comme un charme. Personne ne s’attendait à ce qu’il décède aussi subitement.
Nous étions à table lorsque le téléphone a sonné. C’était soeur Monique. «
J’ai une triste nouvelle.
» Ma tante Berthe s’est signée. Ma mère dit : «
Oh, il avait un bel âge.
» Mon père n’a rien dit, mais son regard s’est tourné vers le buffet. Le bâton avait disparu.}
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La chronique patoise du
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