Publié dans le Quotidien Jurassien le 17 septembre 2021
Lai mére és hierbes
Lai Maria était ènne boénne dgen. Èlle fesait di thé d’aigremoune po les afaints que r’venyïnt de l’écôle èt qu’aivïnt soi. Èlle botait è satchi di tya dains son dieûgnie qu’èlle botait en saitchats èt qu’èlle dichtribuait en huvie en cés qu’en aivïnt fâte. Èlle fesait ènne résèrve d’hierbe â pichat po l’ Pére Imier que seûffrait de rhumâtiches. Cment qu’èlle soingnait d’aivô les pyaintes savaidges qu’èlle coégnéchait che bïn, an l’aipp’lait Lai mére és hierbes.
Èlle rebotait âchi les entoéches èt pratityait le ch’crèt. Les métchaintes laindyes dyïnt qu’èlle aivait ïn gremoûere èt qu’èlle soingnait d’aivô l’éde di dyaile. Çoli yi f’sait bïn d’ lai poénne. Tiaind qu’èlle ât tchoé dains sai tyeujènne, ç’ât moi que l’aî ryeuvèe. Èlle en aivait grôs chu l’ tyûere.
- Dis, petèt, qu’èlle me dyé.
Petèt. I aivôs septante ans èt peus lée nonante. Ènne petète véye tote bossnate.
- Dis, petèt, t’ le veux voûere mon gremoûere
? Raivoéte dains çte comôde
!
- I n’oûej’rôs.
- Mains chié, chneuque pie. Le tirou di fond.
I euvre ci tirou. È y aivait dains ci boidgi-boidjo des photos, totes soûetches de paipies, des moétchous.
- Chneuque encoé. È y ât.
En fait de gremoûere, i aî botè lai main chu ïn yivre tot dépnâyie taint qu’èlle l’aivait yé èt reyè. En frainçais, bïn chûr. La santé par les plantes. «
Ç’ât çoli, Maria
?
»
- Èt ch’ lai tâle de neû, è y é mai bibye. Te vois, po ènne dgenâtche que traîfitçhe d’aivô l’ dyaile...
Note
hierbe â pichat, reine des prés
boidgi-boidjo, méli-mélo, capharnaüm
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
La mère aux herbes
Maria était une bonne personne. Elle faisait du thé d’aigremoine pour les enfants assoiffés qui revenaient de l’école. Dans son grenier, elle séchait du tilleul qu’elle mettait en sachets pour le distribuer en hiver à ceux qui en avaient besoin. Elle faisait une réserve de reine des prés pour le Père Imier qui souffrait de rhumatismes. Comment elle soignait avec les plantes sauvages qu’elle connaissait si bien, on la surnommait La mère aux herbes.
Elle remettait aussi les entorses et pratiquait le secret. Les mauvaises langues disaient qu’elle possédait un grimoire et qu’elle soignait avec l’aide du diable, ce qui la rendait triste. Quand elle est tombée dans sa cuisine, c’est moi qui l’ai relevée. Elle en avait gros sur le cœur.
- Dis, Petit, me dit-elle.
Petit
! J’avais septante ans et elle nonante. Une petite vieille bossue.
- Dis, Petit, tu veux le voir mon grimoire
? Regarde dans cette commode
!
- Je n’oserais pas.
- Mais si, cherche. Le tiroir du fond.
J’ouvre ce tiroir. Il y avait pêle-mêle des photos, toutes sortes de papiers, des mouchoirs.
- Cherche encore. Il y est.
En fait de grimoire, j’ai mis la main sur un livre complètement dépenaillé, tellement elle l’avait consulté. En français, bien sûr. La santé par les plantes. «
C’est ça, Maria
?
»
- Et sur la table de nuit, il y a ma bible. Tu vois, pour une sorcière qui trafique avec le diable ...