Publié : 10 février 2023

Un exploit

Ïn échploit

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 3 février 2023

Ïn échploit

An le saivait qu’èl était foûe. De tos les boutchies d’ ci coénat, c’était lu l’ pus foûe. È soy’vait ïn vé de trâs mois cment qu’èl airait fait d’ïn afaint. Èl aivait pris paît en des concoués de yutte en lai tyulatte èt dyaingnè des copes èt des médaiyes, envie è tiere des bardgies, des copous et des foérdgeous, des mairtchâs qu’an dyait imbaittâbye. D’aivô çoli, douçat cment ïn aigné. È n’airait p’ fait de mâ en ènne moûetche. Ch’ lai foire, dôs ènne tente ïn pô r’tirie, ïn noi coéyat tot drèt soutchi d’ïn cirtçhe ât fie d’môtrie sai foûeche. Tot en muchques, ïn poitrâ de toéré. È pyainte des çhôs de tchairpentie dains ènne colanne de bôs èt les airraitche d’aivô les dents. « Cent sôs en çtu qu’ veut épreuvaie ! Dieche francs ! Vïngt francs ! Cïntyante francs ! » Niun ne s’aivaince. È prend ïn piaiton d’ïn métre de long èt, sains éffoûe, cment qu’èl airait fait d’ènne voirdgeatte, le brije en dous chu son dg’nonye. « Èt peus mit’naint, tyu qu’ peut en faire aitaint ? » - Boutchie, boutchie, boutchie ! breûyant les dgens tus ensoénne po l’encoéraidgie. « Not’ boutchie se yeuve, confiaint, fait des çhoris è gâtche è drète. Èl empoingne ïn âtre piaiton, le tïnt â-d’chus d’ sai téte, l’aibait chu sai tieuche èt han ! d’ïn côp sat, se bretçhe lai tchaimbe. Notes : ïn piaiton, un madrier d’ïn côp sat, d’un coup sec ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Un exploit

On le savait qu’il était fort. De tous les bouchers de la contrée, c’était lui le plus fort. Il soulevait à bout de bras un veau de quatre mois comme il aurait fait d’un enfant. Il avait participé à des concours de lutte à la culotte et gagné des coupes et des médailles, terrassé des bergers, des bûcherons, des forgerons et des maréchaux-ferrants réputés invincibles. Et avec ça doux comme un agneau. Il n’aurait pas fait de mal à une mouche. À la foire, sous une tente un peu à l’écart, un géant noir tout droit sorti d’un cirque fait étalage de sa force. Tout en muscles, une poitrine de taureau. Il plante des clous de charpentier dans une poutre et les arrache avec les dents. « Cent sous à qui veut essayer. Dix francs. Vingt francs. Cinquante francs ! » Personne ne se présente. Puis il prend un madrier d’un mètre de long et sans effort, comme il ferait d’une baguette, le brise sur son genou. « Et maintenant, qui peut en faire autant ? » - Boucher, boucher, boucher ! crie la foule. Notre boucher se lève, confiant, sourit à droite et à gauche. Il empoigne à deux mains un autre madrier, le tient au-dessus de sa tête, l’abat sur sa cuisse et han ! d’un seul coup se casse la jambe. { {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022- 23}} } {{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}