Publié : 4 avril 2015

écrits en patois de chez nous 

Graiy’naidges dains lou patois de tchie nôs

François Busser

UNE IMPORTANTE PUBLICATION EN PATOIS.

Cette année encore, le printemps amène du nouveau dans les productions de l’Union des Patoisants. Le projet était lancé depuis quelque temps déjà : rassembler et systématiser les nombreux textes originaux que les patoisants de la région font paraître dans le bulletin annuel de l’association. Cette entreprise est maintenant aboutie et cela donne plus de six cents pages en patois, regroupées en deux tomes : un véritable trésor, mis à la disposition du public et des générations futures. Sous le titre « Graiy’naidges dains lou patois de tchie nôs » ( « écrits en patois de chez nous »), ce sont plus de trente-cinq auteurs différents qui proposent des textes d’une grande variété : souvenirs, contes, légendes, portraits, dialogues, descriptions, poésies, satires, sujets d’actualité, proverbes, anecdotes amusantes ou moralisatrices, émotion et ferveur…on pourra y trouver tous les genres, toutes les tonalités. En fédérant les textes publiés de 1995 à 2014 dans son bulletin, l’Union des Patoisants fournit un témoignage et un monument de son action concrète pour conserver et diffuser le patois. Elle démontre aussi les possibilités de la langue patrimoniale dans tous les registres d’expression. Le patois, notre langue régionale, n’a pas fini de nous étonner par sa richesse et sa diversité. Tous les talents sont les bienvenus pour le faire exister et le transmettre, avec toute sa saveur, sa gaieté, sa sagesse. { {{Les textes ont été regroupés par auteurs et ceux-ci se succèdent par ordre alphabétique. L’ensemble des deux tomes est proposé au prix de 45€. Ces ouvrages sont disponibles au siège de l’Union des Patoisants : 4 rue d’Argiésans 90800 Banvillars. T : 03 84 21 58 23 }} }

AVANTPROPOS

{{« Po étre hèy’rou, è fât paitaidgie son trésoûe et sai djoûe »}} Lorsqu’on évoque le patois, on utilise fréquemment des expressions comme : « lou véye laindyaidge de not’câre » (le vieux langage de notre région), « lou djasaie de nos véyes dgens » ( le parler de nos anciens). En effet l’ancienneté du patois est incontestable. Ce fut la langue du quotidien dans la population du Nord Franche-Comté et du Jura suisse durant quinze siècles, sans discontinuité, malgré tous les avatars de l’histoire. Ce fut la langue familiale, « patrius sermo », par opposition à la langue des clercs, des savants et du pouvoir de parisien, imité par les élites locales. Elle nous a été transmise comme un patrimoine, un héritage, au même titre que nos paysages, nos bâtiments, nos coutumes, notre culture. Le patois a exprimé les joies et les peines, l’âme et le cœur des générations qui nous ont précédés : son ancienneté peut fasciner. Mais inversement cette « langue » est récente, parce que le patois était considéré a priori comme un jargon aléatoire et non comme une véritable langue. Exclu de l’école depuis toujours, utilisé par une population longtemps illettrée, le patois n’a émergé à l’écrit que depuis peu et difficilement, car il n’y a jamais eu d’autorité scientifique pour le codifier. Cependant, vers la fin du 19° siècle, des érudits de notre région et du Jura suisse, Charles Contejean, Auguste Vautherin, Jules Surdez et d’autres encore, se sont rendu compte que le patois déclinait dans l’usage quotidien. Par ailleurs l’alphabétisation de la population rendait l’écrit accessible au plus grand nombre. Il était donc nécessaire d’écrire cette langue pour la conserver et la diffuser. C’est ce qu’ils ont fait, en jetant les bases de toute la production littéraire ultérieure. Ainsi ce qu’on appelle toujours « le patois » est apparu comme une langue régionale à part entière, au même titre que d’autres parlers d’oïl : Gallo, Poitevin, Picard, Wallon, Lorrain etc… En conséquence les linguistes en ont fait un passionnant objet d’étude universitaire, reléguant dans l’oubli l’époque où les lettrés l’écrasaient de leur mépris. Dans la seconde moitié du 20° siècle se sont constituées des associations, en Suisse romande et en Franche-Comté, pour sauvegarder l’héritage linguistique et populariser le patois. Dans notre secteur l’Union des Patoisants, fondée en 1984, a immédiatement choisi de publier un bulletin annuel pour faire connaître par l’écriture « lou Patois de Tchie Nôs ». Ces parutions, d’abord modestes, se sont peu à peu enrichies. Ainsi chaque année de plus en plus de textes originaux, rédigés par des membres de l’association, ont pu être portés à la connaissance du public. L’ensemble est devenu progressivement un corpus considérable, si bien qu’il a semblé opportun de le structurer pour que l’Union des Patoisants apporte sa pierre à la littérature du patois. En rassemblant les textes publiés de 1995 à 2014 dans son bulletin annuel, notre association fournit une trace concrète de son action et répond ainsi aux buts qu’elle s’est assignés dès sa constitution. Elle donne d’autre part une somme considérable de textes variés qui démontrent les possibilités du patois dans tous les registres d’expression. Enfin ce « thésaurus » vient enrichir l’impressionnante production écrite de notre langue ancestrale, qu’il transmet aux générations suivantes comme un témoignage fort. Concrètement ce sont deux tomes totalisant 640 pages de ce patois qui va du Ballon d’Alsace au Chasseral qui sont offerts aux lecteurs. Les textes ont été regroupés par auteur ; ceux-ci se succèdent par ordre alphabétique. Pour éviter une entreprise trop onéreuse, les illustrations sont peu nombreuses et restent en noir et blanc. On pourra constater que la façon d’écrire de chacun a été respectée, même si, au cours des dernières décennies, l’orthographe du patois s’est normalisée peu à peu. En tant que président de l’Union des Patoisants je souhaite que l’édition de ces « graiy’naidges » soit une étape vers d’autres productions. J’espère aussi qu’elle stimulera les écrivains potentiels et suscitera l’expression de talents nouveaux. Le patois, notre langue régionale, exprime l’humain dans toute sa diversité et sa richesse. Il a besoin de chacune et de chacun pour exister et se transmettre. Mais notre monde actuel a grand besoin aussi de la saveur, de la gaieté, de la sagesse du patois, et de son émotion. {{F’sans tôdje lou bïn, f’ré meus c’tu que poré}}. François Busser