par Fleury Louis-Jos.
Publié dans le Quotidien Jurassien le 3 janvier 2020
Ïn sondge
Ce sonnet de Sully Prudhomme (1839-1907) adapté en patois dit en langage poétique à quel point nous sommes tous interdépendants.
Le laboérou m’é dit en sondge : "Fais ton pain,
I ne te neurris pus : graitte lai tiere et vangne.« Le téch’raind m’é dit : »Fais tes haiyons toi-meinme.« Et le maiçnou m’é dit : » Prends lai pâlatte en main."
Tot d’ pai moi, aibaind’nè de tote lai tyeum’nâtè,
I vâdyèyôs poitchot drèt c’ment ïn réprovè
Et tiaind qu’i f’sôs â cie ènne driere prayiere,
I trovais chu mon tch’mïn des faves enraidgis.
I euvré mes dous l’euyes, sains craire en lai roûe-neût.
Quéques vaiyaints l’euvries çhiôtïnt chu yos étchieles.
Les méties bredenïnt, les tchaimps étïnt vangnès.
I coégné mon bonhèye èt qu’ât monde où qu’ nôs sons
Niun ne peut se bragaie de se péssaie des hannes,
Èt peus, dâ ci djoué-li, i les aî tus ainmès.
Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Un songe
Ce sonnet de Sully Prudhomme (1839-1907) dit en langage poétique à quel point nous sommes tous interdépendants.
Le laboureur m’a dit en songe : "Fais ton pain,
Je ne te nourris plus : gratte la terre et sème.« Le tisserand m’a dit : »Fais tes habits toi-même.« Et le maçon m’a dit : » Prends la truelle en main."
Et seul, abandonné de tout le genre humain
Dont je traînais partout l’implacable anathème,
Quand j’implorais du ciel une pitié suprême,
Je trouvais des lions debout sur mon chemin.
J’ouvris les yeux, doutant si l’aube était réelle :
De hardis compagnons sifflaient sur leurs échelles.
Les métiers bourdonnaient, les champs étaient semés.
Je connus mon bonheur et qu’au monde où nous sommes
Nul ne peut se vanter de se passer des hommes ;
Et depuis ce jour-là, je les ai tous aimés.