Publié : 1er mars 2019

Au trou du Creugenat

 Creux és dgenâtches

Publié dans le Quotidien Jurassien le 1 mars 2018

 Creux és dgenâtches

Tot prés de Coétch’doux, è y é ïn ptchus qu’an aippele le Creux és dgenâtches. Tiaind qu’è pieut bramant, è y en soûe d’ l’âve que forme ènne r’viere, le Creudgenat, que se tchaimpe dains l’Allaine è Poérreintru. Ç’ât voi ci ptchus que se r’trovïnt les dgenâtches le saim’di è mineût po yote sabbat. Èlles tchaintïnt ét dainsïnt chu ènne dyidye di diaile. Niun n’ les é djemais vues. Dains les lovrèes, an raicontait des hichtoires que f’sïnt drassie les pois ch’ lai téte. « Yé bïn moi, i m’en v’allaie voûere chu piaice en quoi èlles resannt », que dit le p’tèt Djeain. « È pairât qu’ ç’ât des totes bèlles fannes. Se niun n’ les é djemais vues, ç’ât qu’ les dgens n’aint p’ de coéraidge, ès en aint bïn trop pavou po allaie voûere. » Le Djeain, ç’ât ïn boûebe çhiailat, ènne écregneule. « Toi, nitiou, t’ veus allaie voûere ç’ que s’ pésse â Creux és dgenâtches dains lai neût di saim’di â duemoène ? È y en é des pus foûes qu’ toi qu’aint aivu lai meinme envietaince. Ès aint tus r’noncè en lai driere menete. » Mains le Djeain, tot çhiailat qu’èl ât, é d’ lai cheute dains sai musatte. « Voili cment qu’i veus faire, qu’è s’ muse. I veus allaie â yét cment d’aivéje. I veus aittendre que tote lai mâjon feuche endremie. Tiaind qu’è soénn’ré mineût, i m’ veus y’vaie sains brut, i m’ veus véti, i veus sâtaie poi lai f’nétre èt peus i veus rittaie djuqu’â ci ptchus. I veus tchoére en pyein sabbat. Ès s’raint bïn émaiyis, nos dgens, tiaind qu’i raicont’raî. » Le p’èt Djeain é dremi tote lai neût. Ç’ât sai mére qu’ l’é révoiyie. « Yeve-te, p’èt Djeain. Nôs sons duemoène, èt te dais servi lai mâsse des dieche. » ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Au trou du Creugenat

Tout près de Courtedoux se trouve le gouffre du Creugenat, dont le nom patois signifie le Trou des Sorcières. Lors des fortes pluies, l’eau en jaillit et forme une rivière qui se jette dans l’Allaine à Porrentruy. C’est près de ce gouffre que se retrouvaient, le samedi à minuit, les sorcières pour leur sabbat. Elles chantaient et dansaient sur une musique du diable. Personne ne les a jamais vues. Lors des veillées, on racontait des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête. « Eh bien ! Moi, j’irai voir sur place à quoi elles ressemblent », dit Jeannot. « Il paraît que ce sont de très belles femmes. Si personne ne les a jamais vues, c’est que les gens manquent de courage. Ils ont bien trop peur de s’y rendre. » Jeannot est un gringalet, maigre et chétif. « Toi, morveux, tu prétends aller observer ce qui se passe au Trou du Creugenat dans la nuit du samedi au dimanche ? De plus hardis que toi ont eu la même envie. Ils ont tous renoncé à la dernière minute. » Mais le fluet Jeannot a de la suite dans les idées. « Voilà comment je m’y prendrai », se dit-il. « J’irai me coucher comme d’habitude. J’attendrai que la maison soit endormie. Quand sonnera minuit, je me lèverai sans bruit, je m’habillerai, je sauterai par la fenêtre et je courrai jusqu’à ce fameux trou. Je tomberai en plein sabbat. Ils seront bien étonnés, les miens, quand je raconterai mon exploit. » Jeannot a dormi toute la nuit. C’est sa mère qui l’a réveillé. « Lève-toi, Jeannot ! C’est dimanche. Tu dois servir la messe de dix heures. »