Publié dans le Quotidien Jurassien le 22 décembre 2023
Ïn pyeinteusse mâ éy’vè
En fïn de snainne, le train di soi de Biene è Poérreintru ât borrè. Des éyeuves, des ôvries, des fannes tchairdgies de cabas. Des viadgeous drassies dains l’allou s’aippeuyant cment quès poéyant. È Môtie, Ïn hanne monte tenyaint ènne botaye de biere en lai main. Èl ât pyein è n’ pus poéyait se t’ni chu ses tchaimbes. È s’en prend en ènne brave fanne écraijie dôs ses saits : «
Bousse-te, lai Grôsse, qu’i m’sieteuche â long d’ toi.
» Cment qu’èlle n’yi répond pe, è l’aidieucene aidé pus. En lai fïn, lai poûere daime n’y tïnt pus :
- Vôs saites en tiu vôs djâsèz
?
- I m’en fos.
- Vôs n’étes qu’ïn grôs mâ éy’vè.
- Èt peus toi, t’és peute. Pus peute an n’ trove pe.
- Èt peus vôs, vôs étes ïn pyeinteusse, ïn boiyou. Vôs chlïndyèz le chnaps. Vôs bredoéyies qu’an n’ vôs comprend pe.
- I seus d’aiccoûe. I aî pris ènne sacrée tyeute. Demain, i s’raî détyeutè. Mains toi, t’és peute, èt tyaind quân ât peute …
- Coidgietes-vôs
!
An oûe dains le hât-djâsou : «
Prochain arrêt, Delémont.
»
- Poétche-te bïn, lai Grôsse, i déchends.
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Un ivrogne mal élevé
En fin de semaine, le train du soir de Bienne à Porrentruy est bondé. Des élèves, des ouvriers, des femmes chargées de cabas. Debout dans le couloir, des voyageurs s’appuient comme ils peuvent. À Moutier, un homme monte, une bouteille de bière à la main. Il est ivre à ne plus pouvoir se tenir sur ses jambes. Il s’en prend à une brave femme écrasée sous ses sacs : «
Pousse-toi, la grosse, que je m’asseye à côté de toi.
» Comme elle ne lui répond pas, il la harcèle de plus en plus. Finalement, la pauvre dame n’y tient plus :
- Vous savez à qui vous parlez
?
- Je m’en fous.
- Vous n’êtes qu’un gros mal élevé.
- Et toi, tu es affreuse. Plus affreuse on ne trouve pas.
- Et vous, vous êtes un ivrogne, un poivrot. Vous puez la gnôle. Vous bafouillez qu’on ne vous comprend pas.
- Je suis d’accord. J’ai pris une sacrée cuite. Demain, je serai dessoulé. Mais toi, tu es moche, et quand on est moche …
- Taisez-vous
!
On entend dans le haut-parleur : «
Prochain arrêt, Delémont.
»
- Porte-te bien, lai grosse, je descends.
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