Publié :
17 décembre 2012
La Pissevache, mai 2010
Jean-Marie Moine
Paru dans Arc Hebdo, mai 2010
Lai Pich’vaitche
Ci Bèbèrt s’ raivise qu’ ïn djoué, èl était aivu faire ïn viaidge dains l’ Cainton di Valais
d’ aivô les pus grôs l’ afaints d’ l’ écôle de son v’laidge. Ès n’étïnt piepe airrivè è Coédg’maîtche, qu’ ès soûtchainnent dje âtçhe è maindgie pe è boire d’ yôs saits. Ès traivoichainnent tot l’ Jura, ès cheûyainnent les riçhattes des lais d’ Biene, de Nûetchété, d’vaint d’ airrivaie â Léman daivô ses côtès pieins d’ vaingnes, en faice des hâtes montaignes des Alpes. Ès s’ enfeulainnent dains l’ goulat di Rhône d’vaint d’ se trovaie â pie d’ lai Pich’vaitche. Ç’ ât chutôt ç’te metirouje raind’nèe d’ âve qu’ l’ aivait ïmprèchionnè. Tot prés d’ tchie lu, èl aivait vu lai Favardgeatte qu’ se tchaimpe, â Dolman vés Graindgoué, aivâ ènne roitche d’ è pô prés trâs métres de hâtou. Poidé, ç’ n’ était ran qu’ ènne pichoûeratte â long
d’ lai Pich’vaitche. Tchétçhe afaint d’ l’ écôle eurvenié de ç’te soûetchie lai téte pieinne de bés seûv’nis. Les djoués qu’ cheûyainnent, note Bèbèrt ne râtait p’ de djâsaie de tot ç’ que
s’ était péssè di temps de ç’te grante è bèlle djouénèe. Èls aivïnt vu çoci pe çoli, èls aivïnt cheûyait ïn biche (un bisse), èls aivïnt tchaintè, èls aivïnt meinme fait ènne paitchie d’ pilôme-â-pie tchus ènne péture. Son grant-pére yi dié : « I en coégnâs yun qu’ voérait bïn poéyait encoé pichie c’ment qu’ lai Pich’vaitche, Ç’ ât ci poûere Zidore, qu’ é ènne prochtate. ».
L’ pére di Bèbèrt r’conté âchi ènne hichtoire. Çoli s’ était péssè en ènne répétichion d’ lai fanfare. L’ Gouchti, qu’ lai fanne était aivu â viaidge de Lourdes, s’ était r’tchaindgie tot
d’ pai lu d’vaint d’ allaie en lai répétichion. Tot d’ïn côp, èl eut fâte de pichie. È s’ aibcheinté ènne boussèe, en diaint qu’ è n’ en n’ aivait p’ pou grant. C’ment qu’ è ne r’veniait p’, yun des pus djûenes d’ lai sochietè allé voûere ç’ que s’ péssait. Tiaind qu’ è r’venié d’aivô ci Gouchti, ci d’rie yôs dié : « Cré nom d’ mai vie, i m’ seus trétoiyie, i aî botè ènne des tiulattes de mai fanne tiaind qu’ m’ seus r’yuattè. Ç’ ât po çoli qu’ i aî fait grant. C’ment qu’ çoli preussait, i aî quâsi pichie dains mes faljars. ». Tos les fanfoérous aint bïn rièt ci soi-li.
Ç’ ât ci Bèbèrt qu’ eut l’ mot d’ lai fïn : « È bïn, i vois qu’ les hannes n’ en finéchant dj’mais d’aivô yôs hichtoires des piche ! ».
J-M. Moine
La Pissevache
Albert se souvient qu’un jour, il avait été faire un voyage dans le Canton du Valais avec les plus grands enfants de l’école de son village. Ils n’étaient même pas arrivés à Courtemaîche , qu’ils sortaient déjà quelque chose à manger et à boire de leurs sacs. Ils traversèrent le Jura, ils suivirent les rives des lacs de Bienne, de Neûchatel, avant d’arriver au Léman avec ses coteaux pleins de vignes, en face des hautes montagnes des Alpes. Ils s’enfilèrent dans le goulet du Rhône avant de se trouver au pied de la Pissevache. C’est surtout cette immense chute d’eau qui l’avait impressionné. Tout près de chez lui, il avait vu la Favergeatte qui se jette, au Dolmen près de Grandgourt, au bas d’une roche d’à peu près trois mètres de hauteur. Parbleu, ce n’était rien qu’une petite cascade à côté de la Pissevache. Chaque enfant de l’école revint de cette sortie la tête pleine de beaux souvenirs. Les jours qui suivirent, notre Albert ne cessait de parler de tout ce qui s’était passé au cours de cette grande et belle journée. Ils avaient vu ceci et cela, ils avaient suivi un bisse, ils avaient chanté, ils avaient même fait une partie de football sur un pâturage. Son grand-père lui dit : « J’en connais un qui voudrait bien pouvoir uriner comme la Pissevache. C’est ce pauvre Isidore, qui a une prostate. ». Le père d’Albert raconta aussi une histoire. Cela s’était passé à une répétition de la fanfare. Gustave, dont la femme était allée au pèlerinage de Lourdes, s’était rechangé seul avant d’aller à la répétition. Soudain, il eut envie d’uriner. Il s’absenta un instant, en disant qu’il n’en avait pas pour longtemps. Comme il ne revenait pas, l’un des plus jeunes de la société alla voir ce qui se passait. Quand il revint avec Gustave, ce dernier leur dit : « Sacré nom de ma vie, je me suis trompé, j’ai mis une des culottes de ma femme quand je me suis rechangé. C’est pour cela qu’il m’a fallu du temps. Comme cela pressait, j’ai presque pissé dans mes falzars. ». Tous les fanfarons ont bien ri ce soir-là.
C’est Albert qui eut le mot de la fin : « Eh bien, je vois que les hommes n’en finissent jamais avec leurs histoires de pisse ! ».