Publié dans le Quotidien Jurassien le 2 octobre 2020
Lai quoûe di prâtche
- Ah
! Èl était bïn, vot’ prâtche, Monsieû l’ Tiurie, s’extasiait lai brave diaine de tiure, tot en s’aiffairaint dains lai petète sacrichtie ensoroillie. Tot m’é piaîju, tot était bé, l’aicmence était bé, le moitan était bé, et lai quoûe
! Ah
! Çte quoûe
! I crais qu’ ç’ât la quoûe di prâtche qu’i aî l’ meus ainmèe.
- Méchi, mai boénne Mairie. Méchi, vôs étes bïn brave. Vos éleudges me toutchant. Totefois, permâtes-me qu’i vôs reprenieuche. An ne dit pe lai quoûe di prâtche, an dit la conclusion.
Maidemoisèlle Mairie allait bïntôt tyirie profit de çte saivainte yeçon de frainçais. Quéque temps pus taîd, èlle repityait des poirès dains le tçheutchi tot en cheurvoiyaint d’ïn oeûye lai vaitche de lai tiûre que les taivins aidieuç’nïnt. C’était dains ènne bairoitche d’ l’âtre sens d’ lai frontiere, laivou qu’ les tiuries n’tïnt p’ paiyies. Ès tyirïnt le diaîle poi lai quoûe. Çtu qu’i vôs djâse aivait des dgerènnes po les ûes et ènne vaitche po l’ laicé.
Dôs l’ grôs noûechie, le tiurie yéjait son gralie. Tot d’ïn côp, Maidemoisèlle Mairie léche tchoére ses poirés, yeuve les brais â cie èt brêuye :
- Monsieû l’ Tiurie, v’nites tot comptant
!
- Qu’ât-ce qu’è y é, mai boénne féye
?
- Not’ vaitche... Not’ vaitche...
- Aipaîjietes-vôs
! Qu’ât-ce qu’èlle é, not’ vaitche
?
- Èlle é qu’èlle s’ât pris lai conclusion dains les bairbelès
!
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
La queue du sermon
- Ah
! Il était bien, votre sermon, Monsieur le Curé, s’extasiait la brave servante de cure, tout en s’affairant dans la petite sacristie ensoleillée. Tout m’a plu, tout était beau, le commencement était beau, le milieu était beau, et la queue
! Ah
! Cette queue
! Je crois que c’est la queue du sermon que j’ai préférée.
- Merci, ma bonne Marie. Merci, vous êtes bien brave. Vos éloges me touchent. Toutefois, permettez-moi de vous reprendre. On ne dit pas la queue du sermon, on dit la conclusion.
Mademoiselle Marie allait bientôt tirer profit de cette savante leçon de français. Quelque temps plus tard, elle repiquait des poireaux dans le jardin potager tout en surveillant d’un œil la vache de la cure que les taons agaçaient. C’était dans une paroisse de France voisine où les curés n’étaient pas payés. Ils tiraient le diable par la queue. Celui dont je vous parle avait des poules pour les œufs et une vache pour le lait.
Sous le grand noyer, le curé lisait son bréviaire. Soudain, Mademoiselle Marie laisse tomber ses poireaux, lève les bras au ciel et crie :
- Monsieur le Curé, venez vite
!
- Qu’est-ce qu’il y a, ma bonne fille
?
- Notre vache... Notre vache...
- Calmez-vous
! Qu’est-ce qu’elle a, notre vache
?
- Elle a qu’elle s’est pris la conclusion dans les barbelés
!