Publié : 4 décembre 2016

Démolir le Theusseret

Déreûtchie, le Theusseret

La Babouératte, Marie-Louise Oberli

Déreûtchie

Les vlaidges de nos caimpaignes aigricôles int tot-pyein tchaindgie. De moiyïnne graintou, ç’ât devni d’ïmpouétchaintes aigglômérâtions d’hôtâs. Les novés maitérias de conchtruction pe le maitchâ dains le djèt de construre les mâsons int tot-pyein tchaingie. Ès étôffant nos ancïnnes férmes. Oh ! Raissurèz-vos. È y en ai encoué quéques ènes… Lai pupaît ât aivue déreûtchie po léssie pyaice en de grôsses conchtructions, ôtchupèes le pus svent pai de supérmairtchies obïn pai des poiyes de sôcietès. Çtées que sont demouérèes n’int pus de tchoulîere devaint l’hôtâ, ne de cyôsuratte fâsyiè de greuzlies âtoué. Bésses, traipates, aivô loues lairdges touétures, elles fint musaie â véyes dgens de tchie nos : eûsèes pai les annèes, le dos couerbè, mains encoué couéyattes. Nos vétchans ène épôque de déreûtchous ! Tot ço qu’envoidge ïn nové traicie de tchmïn ât révè. Aivô ces tchaindgements, nos ïns peurdju le pyain des petéts haimés. Nos n’ôyans pus le creuchon des cyeutches di chesail en lai tirie feûs de l’étâle le maitïn, ne les étséyes de lai pâle di paiyisain raiméssaint lai beûse des vaitches su le péssaidge. Taint de pétets bruts quâsi ïncrustès dains les mus de nos véyes férmes vïnt se coisie. Ce n’ât pon d’adjd’heu que les hannes vlans djûe és sciençous ! Ces derris temps, lai feûye di câre s’ât fait le réton de grôs tchaimbouèlements â Theusseret. Le brut rite de lai tirie aivâ di bairraidge hydraûlique de lai rvîere di Doubs. Fôe bïn construt atoué de l’an-nèe déseute-cents nonante è ün, coinci d’ène san pai les roitchies, de l’âtre pai lai boirge-crâtant, è n’aî djemais boudgie d’ïn peuce. Ci câre, aivô son bairraidge, son bé laité pe son petét cabarêt, ât ïn des pus bé des Cyos di Doubs. « Poquoi le tchaindgie ? » s’ât ébâbie ène véye dgens di câre. Dains ses resseuvenyainces, èlle se s’vïnt : Ç’ât dains les annèes dése-nûe cents vïnt é heut – vïnt nûe que lai tyeummune de Saignedgie, confyaïnt ès doux entprijes di yûe, ène maiceinnerie pe ène tchaipugerie, d’hâssie le bairraidge. C’était lai seule mainîere d’aivoi prou d’âve po faire mairtchie les teurbines de l’eûsine hydro-électrique en-dedôs. Lai tyeummune de Saignedgie feut ène des premieres de Suisse è possédaie ène eûsine électrique. Tchaind qu’à hâssie le bairraidge… Le prôdjèt tchoiyé é l’âve, tot cmen les tchéfâs dje drassies su le bairraidge. Lì, s’ât râtè les tchaipitraidges ; po repaitchie mitnaint. Tchaind y vôs dis que nos vétchans ène épôque de déreûtchous, ce n’ât pon des mentes ! Lai Babouératte

Démolir

Les villages de nos campagnes agricoles ont énormément changé. De moyenne grandeur, c’est devenu d’importantes agglomérations de maisons. Les nouveaux matériaux de construction et la fantaisie dans la façon de construire les maisons ont beaucoup changé. Ils étouffent nos anciennes fermes. Oh ! Rassurez-vous. Il y en a encore quelques-unes… La plupart a été démolie pour laisser la place à de grandes constructions, occupées le plus souvent par des supermarchés ou par des bureaux de sociétés. Celles qui sont restées n’ont plus de jardin à plantons devant la maison, ni d’enclos bordé de groseilliers autour. Basses, trapues, avec leurs larges toitures, elles font penser aux vieilles gens de chez nous : usées par les années, le dos courbé, mais encore solides. Nous vivons une époque de démolisseurs ! Tout ce qui empêche un nouveau tracé de route est enlevé. Avec ces changements, nous avons perdu le calme des petits hameaux. Nous n’entendons plus le son des cloches du bétail à sa sortie de l’écurie le matin, ni les crissements de la pelle du paysan ramassant la bouse des vaches sur le passage. Tant de petits bruits presque incrustés dans les murs de nos vieilles fermes vont se taire. Ce n’est d’aujourd’hui que les hommes veulent jouer aux savants ! Ces derniers temps, le journal du coin s’est fait l’écho de gros bouleversements au Theusseret. Le bruit court de la démolition du barrage hydraulique de la rivière du Doubs. Fort bien construit autour de l’année dix-huit cents nonante et un, coincé d’un côté par les rochers, de l’autre par la berge-talus, il n’a jamais bougé d’un pouce. Ce coin, avec son barrage, son bel étang et son petit bistrot, est le plus beau des Clos du Doubs. « Pourquoi le changer ? » s’est étonnée une vieille personne de l’endroit. Dans ses vieux souvenirs, elle se souvient : C’est dans les années 1928-29 que la commune de Saignelégier confiait à deux entreprises du lieu, une maçonnerie et une charpenterie, de hausser le barrage. C’était la seule manière d’avoir assez d’eau pour faire marcher les turbines de l’usine hydro-électrique en-dessous. La commune de Saignelégier fut une des premières de Suisse à posséder une usine électrique. Quant à hausser le barrage… Le projet tomba à l’eau, tout comme les échafaudages déjà dressés sur le barrage. Là, se sont arrêtées les chamailleries, pour repartir maintenant. Lorsque je vous dis que nous vivons une époque de démolisseurs, ce n’est pas des mensonges ! La Coccinelle ---- Texte pour impression