Vieux mots, par Jeanne Favez
Notre langue française est belle, imagée, savoureuse. C’est pourquoi nous, les amis du Patois, nous cherchons toujours à nous rapprocher de ses racines ; à travers le patois, nous n’oublions pas les expressions qui s’employaient dans le passé plus ou moins lointain.
Voici quelques mots que j’ai retrouvés ; ils paraissent obsolètes mais ils sont savoureux et très évocateurs et pour certains ont des racines européennes, preuve que la langue est un savant et amusant mélange venu de partout.
s’abeaubir ou beaubir : se mettre au beau, le temps s’abeaubit ou beaubit
abeiller : le rucher, l’endroit où il y a des ruches
blanchoyer : avoir un reflet blanc ; ce mot ne figure pas dans le dictionnaire académique
bonace : un temps de bonace, de calme, de tranquillité
un casement : son intérieur
une chaumière : son chez soi
un chasse-cousin : un mauvais vin, ce qui éloigne les parasites
un chosier : bien des choses dans la vie
concolore : qui a une couleur uniforme
une crevaille : un repas où l’on mange avec excès, ripaille
des drogueries : des choses vaines, inutiles
s’emboucaner : s’obscurcir en parlant du temps, le ciel s’emboucane, s’ennuyer en parlant des
gens
embouquiner : remplir une chambre de bouquins
fadet : un peu fade, écrire des bluettes un peu fadettes
fruitage : les fruits bons à manger
le frusquin : son argent ; on dit aussi saint-frusquin, il a mangé tout son saint-frusquin. Le mot
saint très employé servait à fixer l’attention : exemples saint Lâche (patron des
paresseux), saint Gin (patron des ivrognes), sainte-n’y-touche
une galimafrée : vient de galer (s’amuser) et de mafrer (manger beaucoup) ; c’est un mets mal
préparé, déplaisant
la gogaille : vient de gogue (divertissement), repas joyeux, plaisanterie
incarnat adj. : rose vif, de couleur chair
incarnadin adj. : de couleur incarnatte mais moins vive
madré adj. : vient de madre (bois tacheté), varié en couleurs
rusé adj. : de la couleur du renard de La Fontaine
un margouillis : lieu plein de boue et d’ordures, laisser quelqu’un dans le margouillis,
(le laisser dans l’embarras)
une happelourde : c’est une sotte ou une pierre fausse ayant l’apparence d’une pierre
précieuse, nous prendre pour de franches happelourdes (pour des sottes)
nacarat n. ou adj. : couleur rouge clair ou de couleur rouge clair
un pissatoire : vase à urine bien fermé
un raout : une réunion où l’on invite des personnes du monde
une refuite : trajet que fait une bête chassée, détours d’une personne qui veut échapper à
quelque chose
la ripaille : vient de Ripailles, château sur le bord du lac de Genève où Amédée de Savoie
se retira et se livra à la bonne chère
pelle-bêche : outil pour bêcher
pelle à cul : chaise de jardin
une ripopée : mélange de restes de vin, de choses disparates
salébieux adj. : raboteux, caillouteux, des chemins salébieux
tartouiller : pour un peintre, sacrifier le dessin à la couleur
tartouilleur : peintre qui tartouille
tartouillade : œuvre d’un peintre qui tartouille
une tortille ou une tortillère : allée étroite et tortueuse pour se promener à l’ombre
la vastité : ce qui est vaste comme l’air, le désert
un ver-coquin : ce qui est mauvais, dangereux comme les larves d’insectes, ou aussi caprice,
fantaisie
zinzolin n.m. ou adj. : couleur d’un violet rougeâtre ou de couleur violette rougeâtre (vient de
la semence de sésame servant à faire cette couleur)
Le 16 décembre 2006
Vieux mots, par Jeanne Favez
J’ai choisi ici des mots vraiment ignorés, perdus et parmi ceux-ci les plus amusants ou les plus imprévus qui traitent des manières d’agir.
accagner : poursuivre quelqu’un en l’injuriant
accoiser ou raccoiser : rendre coi calme ; apaiser (en usage au XVIIe siècle)
adoniser : embellir ; verbe employé par Ronsard, « Cette mère adonise son fils »
s’adoniser : se parer avec recherche (Saint Beuve)
adultérer : fausser, vicier ; Bossuet disait « Voilà comme chacun s’adultère »
un adultérisme :c’est le fait de falsifier l’orthographe d’un nom propre
amatiner : faire lever quelqu’un de bon matin
apiéger : apprivoiser
arêteux adj. : rempli d’ârêtes, embarrassant, une question arêteuse
badauder : (du provençal badar), regarder bouche bée, faire le badaud
la badauderie : niaiserie des courtisans
le badaudisme : manie du badaud
baisailler : faire des visites souvent ennuyeuses en donnant force baisers
barguigner : hésiter
bibeloter : faire de petits travaux sans importance
bonneter : être de l’avis de tous, souvent dans un but intéressé
brandiller : agiter, tourner la tête de gauche à droite et de droite à gauche ; ce verbe ressemble
à branler mais il prend un sens ironique
brelander : prendre son temps, quand il fait beau, on brelande parfois
une cacade ou une cagade : décharge du ventre ou échec ridicule
chamboler : flâner
causer un chat-en-jambes : embarrasser quelqu’un (Sainte Beuve)
chevaler : faire des allées et venues, des démarches pour traiter une affaire
conchier : souiller, salir, « Les critiques conchient le travail d’autrui »
se condouloir : s’associer à la douleur des autres
un contempteur : celui qui méprise et dénigre autrui
contemptile adj. : qualifie ce qui est vil
contre à contre : côte à côte, très près l’un de l’autre
contre-aimer : s’aimer l’un l’autre
controuver : inventer à plaisir mais pour tromper
coqueter : courtiser
débourrer : donner de bonnes manières
se débourrer le coeur : s’exprimer pour se soulager
défléchir : changer de direction (J.-J. Rousseau)
se dégogner : bouger beaucoup en mouvements désordonnés (Madame de Sévigné)
le dépris : ce qui conduit au mépris
désheurer : déranger dans des habitudes bien réglées, vous me désheurez
agir à écorche-cul : agir à contrecoeur
traiter une affaire in poculis : traiter une affaire le verre à la main
embâter : ennuyer, « il ne veut pas s’embâter de sa vieille cousine »
enganter : enjôler
s’étranger : s’écarter, la couturière dit à une cliente « Madame, cette robe vous étrange »,
c’est-à-dire : elle n’est pas faite pour vous.
s’évaltonner : s’émanciper, vient de valeton (jeune homme)
fesser : châtier, mais aussi faire vite
fesser son vin : boire beaucoup
gobelotter : boire à petits coups
donner de la gabatine : tromper par une promesse (vient du scandinave)
galer : se moquer
le coureur de garouage : celui qui court le guilledou (garouage vient de loup-garou)
donner un gourmade : donner un coup de poing
paumer la gueule : donner un coup à quelqu’un
être labile : être sujet à faillir, à oublier
une personne malitorne : personne qui a de mauvaises manières (Molière)
un maltalent : une mauvaise volonté à l’égard quelqu’un
musser : cacher sa faiblesse (Montaigne)
naqueter : faire attendre longtemps à la porte et vous prendre pour un naquet
un patricotage : une intrigue
un patricotant : un intrigant
une piaffe : ce que l’on fait pour attirer l’attention sur soi par des somptuosités
préliber : donner à un seigneur le droit de passer la première nuit de noce avec une vassale
une riotte : une dispute
une quitterie : une brouille à la suite de laquelle on se quitte
rapetasser : raccommoder grossièrement ou corriger un texte en y rajoutant maints morceaux
(vient du mot pétas de la (langue d’oc), morceau de cuir ou d’étoffe)
réfusion : action de reporter sur l’autre (un amour par exemple)
mettre à remotis : mettre à l’écart (une somme par exemple)
ribon-ribaine : coûte que coûte
une riflade : une éraflure, un léger coup
une turlutaine : une marotte, une manie
à la venvole : à la légère
personne vulgivague : personne qui se prostitue
Le 8 septembre 2007
Vieux mots, par Jeanne Favez
Chavannes-sur l’Etang, 5 septembre 2009
Voici une suite de mots perdus concernant les manières :
cascader : faire de grosses farces – mener une existence dissolue – chanceler – tomber
castelliser : mener la vie de château
chamade : (vient de l’italien chiamata) signal militaire avec le tambour ou la trompette pour
avertir qu’on veut traiter avec l’ennemi
battre la chamade : se rendre, céder
chamboler : flâner
un chat-en-jambe : fait d’embarrasser l’adversaire
chevaler : faire des démarches, des allées et venues – presser pour obtenir quelque chose
colloquer : (du latin collocare) mettre quelqu’un à une mauvaise place
se colloquer : se placer
conchier : souiller, par exemple avec des critiques
se condouloir : s’associer à la douleur de quelqu’un
le contempteur : méprise, dénigre
contre-à-contre : (adverbe) côte à côte mais sans se toucher
contre-aimer : aimer en retour, l’amoureux se voyait contre-aimé
à contre-biais : à rebours
controuver : (de l’italien contropare ou controvare) inventer à plaisir pour tromper
coqueter : (de coq) courtiser – user de coquetterie
coulamment : de manière aisée, parler coulamment
débourrer : déniaiser – donner les bonnes manières – exprimer ses sentiments
un déconcert : mésentente, dans beaucoup de couples, le déconcert succède à l’entente
déflèchir : dévier, changer de direction
se dégogner : se livrer à des mouvements désordonnés
délicater : traiter les enfants avec mollesse
disparate : (de l’espagnol disparate) action déraisonnable
dodiner un enfant : le bercer
à écorche-cul : en glissant sur le derrière ou à contre-cœur
écornifler : se faire donner ça et là un dîner, de l’argent
embâter : ennuyer – embarrasser – s’embâter de sa vieille cousine
enganter : enjôler - séduire
s’enganter : avoir une liaison étroite avec quelqu’un
s’entre-baiser : se baiser mutuellement
s’entre-battre : se battre l’un l’autre
esbroufer : (du provençal esbroufa, de l’italien sbruffare) s’ébrouer – asperger, étonner par ses grands airs, faire de l’esbroufe
s’étranger : s’écarter, cette robe vous étrange Madame
s’évaltonner : (vient de valeton) prendre un ton dégagé
fatrasser : (vient de fatras) s’accoutrer, faire des niaiseries
faufilé : (participe passé) être toujours faufilé ensemble
fesser : (ancien français faisce) châtier – faire vite
se faire fesser : s’exposer à des choses humiliantes
fesser son vin : boire beaucoup
forligner : dégénérer de la vertu de ses ancêtres
forlonger : distancer, le cerf forlonge les chiens
gabatiner. (du scandinave galb, raillerie) tromper par une promesse ambiguë, donner de la gabatine, il est vrai que notre nation donne souvent de la gabatine
gaber : se moquer – plaisanter
une gaberie : une plaisanterie
gamber : traverser d’un enjambée, gamber un fossé
ungarouage : (vient de garou, loup-garou)
aller en garouage : en quête d’aventures nocturnes, ce coureur de garouage ou de guilledou
gauchir : s’écarter de la ligne droite, ne pas parler avec franchise
gobelotter : boire à petits coups
une gourmade : un coup de poing
gourmandé de persil : assaisonné
gourmander les livres : les lire avidemment
gourmander : réprimander
gourmandiller : faire de légers reproches
se gourmer : se battre – faire l’important
haricoter : spéculer sur de petites affaires – hésiter – tâtonner ; on dit un haricoteur ou un haricotier
harper : (du scandinave harpa) serrer avec les mains
se harper : se battre
se harpailler : se dire des gros mots
in poculis : traiter une affaire le verre à la main
interlope : (vient de l’anglais to interlope) qui se fait en fraude ; un commerce interlope : un commerce suspect
musser sa faiblesse : la cacher
faire naqueter : faire attendre longtemps
nesciemment : imprudemment