Publié dans le Quotidien Jurassien le 17 novembre 2023
Animâ bïn-étre
Çt’Alcide engraiche ïn poûe po lai Sïnt-Maitchïn. El en é brament di tieusain. Tos les djoués, è tchaindge l’étrain dains son bolat. Ci bolat bèye chu ïn ençhôs laivoù qu’ le poûe peut rittaie, sâtaie,bâchaie. Pésse ïn djûene hanne chu son véyo que yit dit : «
Bèlle trûe que vôs èz li
! Qu’ât-ce que vôs yi bèyies è maindgie qu’èlle é che bé djèt
?
»
- Des épalures, d’ lai r’laivure. Èlle finit tos les rèchtes.
- De quoi
! I seus d’ lai Societè po l’ sôtïn des ainimâs. I vôs veus dénoncie. Vôs richquèz ènne aimeinde.
Dains lai meinme djouénèe s’ râte ïn âtre en tyeuchatte que fait sai course è pie. «
Bèlle trûe que vôs èz li
! Qu’ât-ce que vôs yi bèyies è maindgie qu’èlle ât che graiche
?
»
L’Alcide se muse : «
I m’ seus fait rôlaie poi l’ premie. I n’ me veus p’ faire aivoi poi çtu-ci.
» È yi répond :
- Po son dédjunon : ïn djus d’orange, di café â laicé, ïn crâchaint, ïn pain â chocolat, des fruts, des grainnattes, d’lai confreture…
- Seuffit
! I en aî prou oûyi. I yutte contre lai faim dans le monde. E y é des afaints mâ neurris que meurant tchéque djoué, èt peus toi, t’engraiches dïnche ton poûe. I t’ veus dénoncie. T’âirés d’ mes novèlles.
Fïn d’ vâprèe, ïn bé chire soûe d’ sai dyïmbarde : «
Quée trûe que vôs èz li
! Qu’ât-ce que vôs yi bèyies è maindgie qu’èlle ât che épasse
?
»
Le fèrmie n’y tïnt pus : «
Ah, qu’è dit, i yi bèye 100 francs èt peus èt peus i yi dis : vai t’aitch’taie ç’ que te veus.
»
Notes
Animâ bïn-étre, bien-être animal
en tyeuchatte, en cuissette, mot régional, short de sport.
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Bien-être animal
Alcide engraisse un porc pour la Saint-Martin. Il en prend beaucoup de soin. Chaque jour, il change la paille de la porcherie. Le caboulot accède à l’enclos où le porc peut courir, sauter, fouiller la terre avec son groin. Passe un jeune homme sur son vélo. «
Magnifique truie que vous avez là. Qu’est-ce que vous lui donnez à manger qu’elle soit si grasse
?
»
- Des épluchures, de la relavure. Elle finit tous les restes.
- De quoi
! Je fais partie de la Société pour la protection des animaux. Je vais vous dénoncer. Vous risquez une amende.
Dans la même journée, un autre en cuissette qui fait son jogging s’arrête à son tour. «
Magnifique truie que vous avez là. Qu’est-ce que vous lui donnez à manger qu’elle soit si grasse
?
»
Alcide se dit : «
Je me suis fait avoir par le premier. Je ne vais pas me faire posséder par celui-ci.
» Il lui répond :
- Pour son petit déjeuner : un jus d’orange, du café au lait, un croissant, un pain au chocolat, des fruits, des petites graines, de la confiture.
- Arrêtez
! J’en ai assez entendu. Je lutte contre la faim dans le monde. Chaque jour, des enfants meurent de malnutrition et toi, tu engraisses comme ça ton cochon. Je vais te dénoncer. Tu auras de mes nouvelles.
En fin d’après-midi, un monsieur distingué sort de sa voiture : «
Magnifique truie que vous avez là. Qu’est-ce que vous lui donnez à manger qu’elle soit si grasse
?
Le fermier n’y tient plus : «
Ah, dit-il, je lui donne 100 francs et je lui dis : va t’acheter ce que tu veux.
»
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