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Par : Fleury LJ
Publié : 2 février 2009

Bernard Chapuis traduit un poème de son père, Abel

Abel Chapuis 1892 – 1962 Son fils cadet Bernard honore ici sa mémoire.
Boulanger et poète. Artisan du pain et artisan du mot. Admirable similitude des deux activités, dont l’une consiste à nourrir le corps et l’autre l’âme. Mon père fut l’un et l’autre. Son pain était à son image, simple et bon. Ses mots aussi sont simples et bons. Je les ai recueillis pieusement à l’intention de ceux qui l’ont connu et aimé. BC, 1977 Mon père consignait ses poèmes dans un petit carnet cartonné intitulé Poésies fugitives. J’en ai fait des copies, mais j’ai estimé que l’original revenait de droit à l’aîné des enfants, ma soeur Marie-Thérèse. Malheureusement, ce précieux document a été détruit dans l’incendie de sa maison. Mes parents ne parlaient que français en famille. Cependant, dans leur rapport quotidien avec les gens du village, le patois, qui leur était naturel, reprenait le dessus. Mon père en connaissait les finesses, non seulement il le parlait avec aisance mais il l’écrivait. Poésies fugitives contient un poème en patois. En voici la retranscription fidèle. Dans un deuxième temps, le texte est repris et adapté aux normes orthographiques généralement admises, notamment en référence aux travaux de SimonVatré et de Jean-Marie Moine. Cette deuxième version est assortie d’une traduction. C’est celle-là qui pourrait figurer sur le site. BC, 2009 ----
Dôbatte, Bernard Chapuis
Dôbatte, Bernard Chapuis
{{An ènne djuene dôbatte}} - Poquoi, dis vouere ïn pô, Aigathe, Que te n’ai ’pe velu de moi ? Asque te crais, pouere bâichatte Que t’é aivu faie po ïn roi ? - Daque t’ai ènne belle téte, Des tos bés l’euyes, ïn naie bïn droit, Asque te crais, pouere petéte, Qu’è n’yan é-pe de meux que toi ? - T’es aichi fine qu’ènne beutche. An dirait étre ïn pas véti. Po tchemenaie, te trébeuches, En vlin faire des pas d’Pairis. - Te t’en vais le tiu en derrie Et lai téte chi en aivaint, Que t’en léche yunne à môtie Di temps que l’âtre à-dje devaint. - I n’sais é diaile qué-l-idée D’allaie va toi ïn djoué m’é pris ; Qu’asqu’i ferôs d’ènne poupée Qu’ment toi po pieutchie nos rétis ? - Te n’sais-pe tchairdgie à femie, Te ne vâs ran po ïn paysain. I péro bïn tote mais vie Ai te r’tieuri dains not étrain. - An n’sait-pe c’que peut airrivaie, Çoli s’pouérait bïn qu’ïn bé djoué I n’t’y saiveuche pu r’trovaie ; Dàli, voili qu’i srôs vavré. ---- Version2 ---- {{En ènne djûene dôbatte}} - Poquoi, dis voûere ïn pô, Aigathe, Que te n’és pe voyu de moi ? Ât-ce que te crais, pouere bâichatte Que t’és aivu faie po ïn roi ? - Dâ que t’és ènne belle téte, Des tot bés l’eûyes, ïn nèz bïn droit, Ât-ce que te crais, pouere petéte, Qu’è n’y en é pe de meux que toi ? - T’es âchi fine qu’ènne beûtche. An dirait étre ïn pâ véti. Po tcheumenaie, te trébeuches, En vlant faire des pas d’Pairis. - Te t’en vais le tiu en derrie Et lai téte chi en aivaint, Que t’en léches yun à môtie Di temps que l’âtre ât dje devaint. - I n’sais è diaile qué l’idée D’allaie vâ toi ïn djoué m’é pris ; Qu’ât-ce qu’i ferôs d’ènne poupée Cment toi po pieutchie nos rétis ? - Te n’sais pe tchairdgie à femie, Te ne vâs ran po ïn paysain. I piedrôs bïn tote mai vie Ai te r’tieuri dains note étrain. - An n’sait pe c’que peut airrivaie, Çoli s’pouérait bïn qu’ïn bé djoué I n’t’y saiveuche pu r’trovaie ; Dâli, voili qu’i srôs vavré. ---- {Le son suivra} ---- {{A une jeune folle}} - Pourquoi, dis donc un peu, Agathe, Que tu n’as pas voulu de moi ? Est-ce que te crois, pauvre fille Que tu as été faite pour un roi ? - Même si tu as une belle tête, De très beaux yeux, un nez bien droit, Est-ce que te crois, pauvre petite, Qu’il n’y en a pas de mieux que toi ? - Tu es aussi fine qu’une bûche. On dirait un pieu vêtu. Pour cheminer, tu trébuches, En voulant faire des pas de Paris. - Tu t’en vas le cul en arrière Et la tête si en avant Que tu laisses l’un à l’église Tandis que l’autre est déjà devant. - Je ne sais au diable quelle idée D’aller vers toi un jour m’a pris ; Qu’est-ce que je ferais d’une poupée Comme toi pour piocher nos radis ? - Tu ne sais pas charger le fumier, Tu ne vaux rien pour un paysan. Je perdrais bien toute ma vie À te rechercher dans notre paille. - On ne sait pas ce qui peut arriver, Cela se pourrait bien qu’un beau jour Je ne puisse plus retrouver ; Alors, voilà que je serais veuf. Abel Chapuis