Publié : 8 mai 2015

Les sabots de la Vierge

Les sabats de lai Vierdge

Bernard Chapuis

Paru dans LQJ du 8 mai 2015

voir aussi les sabots de la vierge

Les sabats de lai Vierdge

- È me fârait, dit lai Vierdge,

Que fuyait d’avô Djésus,

È me fârait, dit lai Vierdge,

Des sabats po mes pies nuds.

*

- Pésse ton tchemïn, bogrèsse,

Qu’an yi heûl’ d’ïn cabairèt,

Pésse ton tchemïn, bogrèsse,

Que le diaîle t’haibardgeuche !

*

- Mes pies sont sôles, dit lai Vierdge

Que travoéchait ènne vèllatte,

Mes pies sont sôles, dit lai Vierdge,

Èt peus, i n’aî p’de sabats.

*

- Pésse ton tchemïn, pètlouse,

Breûyïnt les savaidges bétes,

Pésse ton tchemïn, pètlouse,

Èt que le diaîle t’oûyeuche !

*

- Mes pies saingnant, dit lai Vierdge

En péssaint â long di bié,

Mes pies saingnant, dit lai Vierdge

Èt peus, i n’aî p’de sabats.

*

- Se mai çhoé poéyait t’édie,

Yi dié ïn petèt lotie,

Se mai çhoé poéyait t’édie,

I t’lai bèy’rôs bïn v’lantie.

*

Lai Vierdge adonc s’ât sietèe,

Chu lai réjatte di bié.

Èlle é botè en ses pies

C’ment sabats dous bés loties.

D’après Maurice Carême (Wavre 12 mai 1899 - Anderlecht 13 janvier 1978).

Maurice Carême est un écrivain et poète belge de langue française, auteur de Mère, qui remporta un important succès auprès du public.
L’auteur a transposé la légende du sabot de Vénus sur l’humble fleur du lotier corniculé, espèce fort répandue chez nous.


Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Les sabots de la Vierge

—  Il me faudrait, dit la Vierge,

Qui fuyait avec Jésus,

—  Il me faudrait, dit la Vierge,

Des sabots pour mes pieds nus.

*

—  Passe ton chemin, bougresse,

Lui crie-t-on d’un cabaret,

—  Passe ton chemin, bougresse,

Que le diable t’héberge !

*

—  Mes pieds sont fatigués, dit la Vierge

Qui traversait un hameau,

—  Mes pieds sont fatigués, dit la Vierge

Et puis, je n’ai pas de sabots.

*

—  Passe ton chemin, mendiante,

Hurlaient les bêtes sauvages,

—  Passe ton chemin, mendiante,

Et que le diable t’écoute !

*

—  Mes pieds saignent, dit la Vierge

En passant le long du bief

Mes pieds saignent, dit laVierge

Et puis, je n’ai pas de sabots.

*

—  Si ma fleur pouvait t’aider,

Lui dit un petit lotier,

—  Si ma fleur pouvait t’aider,

Je te la donnerais volontiers.

*

La Vierge alors s’est assise,

Sur la rive du bief.

Elle a mis à ses pieds

Comme sabots deux beaux lotiers.


La chronique patoise du QJ en direct :

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