Publié : 24 mars 2023

L’autobus

L’autobus

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 24 mars 2023

L’autobus

Victorine é r’ci ènne airmoére d’IKEA. Èlle é déchidè d’lai montaie èlle-meinme sains aittendre son hanne. Èlle raivoéte bïn le pyan èt se botte â traivaiye. Ch’ lai vie pésse le bus. È fait taint de brut qu’ lai mâjon grule. L’airmoére se bote è trembyaie èt s’écrôle. Lai daime ne r’nonce pe, èlle é d’ lai v’lantè. Èlle eurcommeince le montaidge en cheûyaint bïn le pyan. Èlle aidjoute meinme ïn pô d’colle. Ci côp, çoli dairait t’ni. Mains le meinme bus repésse. Lai mâjon grule, l’airmoére trembye èt s’écrôle. Lai fanne n’en peut pus. Èlle aippele IKEA. L’aichembyou airrive sains tairdgie, è pose son sait, aibaindene son mégot dains l’ ceindrie. - Bon, qu’è dit, i veus r’faire le montaidge èt peus nôs v’lans voûere ç’ qu’èl en ât. En moins d’ïn quât d’hoûere, l’airmoére ât chus pie. - Éh bïn, Daime, èlle ât très bïn çt’airmoére, laivou qu’èl ât l’ probyème ? - Aittendèz qu’ le bus pésse, dit l’aitch’touse. Lai naivatte repésse dains ïn traiyïn di drie djug’ment èt l’airmoére tchoét en moéchés. - Crevure d’airmoére. Ç’ât l’ premie côp dains tote mai carriere. Mains i airé l’ drie mot. I veus tot r’montaie, peus i veus entraie dains l’airmoére po voûere ç’ que s’ pésse. L’airmoére eurmontèe, èl entre dedains èt èl aittend le péssaidge de l’autobus. Ç’ât drèt â ç’ môment-li que le mairi rentre. Montraint l’ sait poi tiere èt l’ mégot dains l’ cendrie, è dit en sai fanne : « Te m’ trompes. I m’ méfiôs dâ quéque temps, mains mit’naint i en aî lai prove. En tiu ç’ât ci sait ? Èt peus ci mégot dains l’ cendrie ? Èt ç’ t’airmoére ? Te t’ fais livrer ènne airmoére sans m’en djâsaie ? Ton gailant ât li-d’dains, to chu. » Èl euvre l’airmoére. - Qu’ât-ce que vôs fotèz li, vôs ? - Éh bïn, vôs n’ velèz p’ me craire. I aittends l’autobus. ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

L’autobus

Victorine a reçu une armoire d’IKEA. Elle a décidé de la monter elle-même sans attendre son mari. Elle étudie le plan et se met au travail. Dans la rue passe le bus. Il fait tant de bruit que la maison vibre. L’armoire se met à trembler et s’écroule. La dame ne renonce pas, elle a de la persévérance. Elle reprend le montage en suivant le plan méthodiquement. Elle ajoute même un peu de colle. Cette fois, ça devrait tenir. Le même bus repasse. La maison vibre, l’armoire tremble et s’écroule. La femme n’en peut plus. Elle appelle IKEA. Le monteur arrive sans tarder, il pose son sac, abandonne son mégot dans le cendrier. - Bon, dit-il, je vais refaire le montage et on verra ce qu’il en est. En moins d’un quart d’heure, l’armoire est sur pied. - Eh bien, Madame, elle est très bien cette armoire. Où est le problème ? - Attendez que passe le bus, dit la cliente. La navette passe dans un vacarme de jugement dernier et l’armoire tombe en pièces détachées. - Maudite armoire. C’est la première fois dans toute ma carrière. Mais j’aurai le dernier mot, dit l’homme d’IKEA. Je vais tout remonter, puis je vais entrer dans l’armoire pour voir ce qui se passe. L’armoire remontée, il entre dedans et attend le passage de l’autobus. C’est précisément à ce moment-là que le mari rentre. Désignant le sac par terre et le mégot dans le cendrier : - Tu me trompes, dit-il à sa femme. Je me méfiais depuis quelque temps, mais maintenant j’en ai la preuve. À qui est ce sac ? Et ce mégot dans le cendrier ? Et cette armoire ? Tu te fais livrer une armoire sans m’en parler ? Ton galant est dedans, c’est sûr. Il ouvre l’armoire. - Qu’est-ce que vous foutez là, vous ? - Eh bien, vous n’allez pas me croire. J’attends l’autobus. { {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022- 23}} } {{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}