Publié : 21 avril 2023

Brindezingues

Brindezingues

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 21 avril 2023

Brindezingues

Djûedi â soi, lai Djosètte yi ainnoncé sains ménaidg’ment que, dâ chi en d’li, tot était fini entre yôs. Èlle viré les tailons. « Èt peus, qu’i n’ te r’voiyeuche pus ! » Lucien d’moéré tot d’ pai lu dôs l’ raimbéyou, heursè, predju. È tchoyait ènne frède petète pieudge. Le djûene hanne grulait. De r’toué en l’hôtâ, è s’allondgé chu son yét sains foûeche. Enfïn, è s’ yeuvé, graiy’né ènne londge lattre en sai Djosètte laivoù qu’è boté tot ç’ qu’èl aivait ch’ le tiûere, peus è lai détchiré sains lai ryére. Èl airait poyu s’ dire : ènne de predjue, dieche de r’trovèes. Mains è n’aivait p’envie d’en r’trovaie ènne âtre, ç’ât lai Djosètte que yi faiyait. È déchidé de faire lai nace. Le vardi, è maintçhé l’ traivail. Le paitron yi fotrait lai pâle â tiu. Taint pés ! És onze, è chlappait des apéros â cabarèt des Tiûeres-Bretçhès. É galifrait cment quaitre, boyait cment ïn ptchus, euffrait ènne touènnée, tenyait des dichcoués è n’y ran compare, s’ botait en graingne, s’aipaijait, tchantait, breûyait, schnouffait. È péssé ènne grante paitchie d’ lai djouénèe di saim’di è dremi. Le soi, è r’touéné â cabarèt des Tiûeres-Bretçhès, goinfré, boyé, rié, pûeré è rôlé dôs lai tâle. Le dûemoéne, è tiuvé son tchaigrïn dvaint que de r’paitchi â cabarèt laivoù qu’è riboté djuqu’en lai from’ture. Le yundi, en l’airèe, lai Djosètte que rentrait d’ sai voidge de neût en l’hopitâ, le r’trové que ronfyait aippuyie contre le raimbéyou laivoù qu’èlle l’avait pyaiquè le djûedi â soi. Aiprés quasi énne snainne de brindezingues, èl était éroyenè. Èlle en eut pidie èt le raimoiné en l’hôtâ. Dâdon ès n’ se sont pus tyitties. {Notes dâ chi en d’li, dorénavant heursè, choqué dôs l’ raimbéyou, sous le réverbère en l’airèe, à l’aube} ---- Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Brindezingues

Jeudi soir, Josette lui annonça sans ménagement que, désormais, tout était fini entre les deux. Elle tourna les talons. « Et puis, que je ne te revoie plus ! » Lucien resta seul sous le réverbère, choqué, désemparé. Il tombait une petite pluie froide. Le jeune homme tremblait. De retour chez lui, il s’allongea sur son lit sans énergie. Quand enfin il se leva, il écrivit une longue lettre à sa Josette dans laquelle il mettait tout ce qu’il avait sur le cœur, puis il la déchira sans la relire. Il aurait pu se dire : une de perdue, dix de retrouvées. Mais il n’avait pas envie d’en retrouver une autre, c’est Josette qu’il lui fallait. Il décida de faire lai noce. Le vendredi, il manqua le travail. Le patron le congédierait. Tant pis ! Â onze heures, il éclusait des apéros au cabaret des Cœurs-Brisés. Il bafrait comme quatre, buvait comme un trou, offrait une tournée, tenait des discours incohérents, s’emportait, se calmait, chantait, braillait, sanglotait. Il passa une grande partie de la journée du samedi à dormir. Le soir, il retourna au cabaret des Cœurs-Brisés, s’empiffra, but, rit, pleura et roula sous la table. Le dimanche, il rumina son chagrin avant de regagner le cabaret où il ribota jusqu’à la fermeture. Le lundi, à l’aube, Josette qui rentrait de sa nuit de garde à l’hôpital, le trouva qui ronflait appuyé contre le réverbère, là où elle l’avait plaqué le jeudi soir. Après presque une semaine de brindezingues, il était épuisé. Elle en eut pitié et le ramena à la maison. Depuis, ils ne se sont plus quittés. { {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022- 23}} } {{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}