Radio Fréquence Jura
RFJ
Rubrique en patois du 29 avril 2012
Auteur : Eribert Affolter
Thème : Les échelles de la mort, sur le Doubs
Rfj 29 d’aivri 2012
Aimis di patois bondjoué.
Les étch’lattes de lai moûe.(les échelles de la mort)
Entre les Fraintches-Montaignes èt le Piaité de Maîche, le Doubs frome lai frontiere. Ề reuchle â fond d’ènne goûerdge r’tirie èt savaidge. De lai san de lai Fraince, ènne hâte muraîye de roitche é des étch’lattes en fie. Ç’ât lai vie po allaie tchu le piaité.
Se sont "Les Étch’lattes de lai moûe". Dains le temps èlles étïnt fait en bôs. Dadon, les aimis des seinties di Doubs an aint fait des égrais bïn coyats en fie. Aidé ces étch’lattes aint fait l’eusaidge des contrebandies èt de tos les péssous que f’sïnt di p’tét traifitche.
Mains po quoi ïn tâ nom : Les Étch’lattes de lai moûe
?
I veus vôs béyie lai fôle que m’é raicontaie ïn aimi frainçais. Ïn ladre aivait voulaie des aijements sacrès â môtie de Seignedgie. Ềs l’aivait râflait tot c’qu’était en oûe obïn en airdgent. Ềs l’étais v’ni li po s’coitchie.
Pendant ci temps li les dgendairmes aivïnt airratè lai bèlle mére de ci rancvaye. Ềs l’aivïnt quechtionnè, tortutè, po saivois l’aivoû se coitchait son bé fé. Po fini, ès aivïnt promis ïn moncé d’écu. Ềs fât qu’i vôs dieuche que lai bèlle mére n’ainmaie’p son bé fé.
Po fini èlle dit é dgendairme : «
I veus vôs dire l’aivoù se coitche mon be fé mains è fât me léchie le temps de le r’trovaie. Ềlle saivait bïn lai coitchatte, mais èlle voyaie voûre c’te reujure ïn drie côp
». Dadons èlle vait r’trovaie ci bregan èt lu dit :
I seux v’ni voûere ce te ne manquaie de ran. I té aippoétchaie è maindgie èt des novelles vétures. Te dais d’moraie ci, bïn coitchie. I veus r’veni lai s’nainne que vïnt.
Lu, n’étant’p fô en saichant bïn que c’te tchervote de fanne vorèt le voûere dains lai tchaimbratte de lai tchievre (la prison) lu dit :
D’aicou ès vôs fât allaie me chri tot çoli, i vôs aittends.
Voili que lai bèlle mére monte les égrais. Airrivè â moitant ès s’botte ès grulaie ces étch’lattes djeu’qu’tiaint lai fanne lécheuse prije. Ềlle tchoit èt vait s’écâçhaie lai téte â fond di vâ, tchu ènne grosse piere. Ềlle ât raide moûe.
Lu, tot rédjoui, s’muse : «
Voili ïn bé traivaiye de fait. Ç’n’ât pu c’te fannne que vait me bèyie di tieusain. I peus sondgie mitnaint c’ment faire po m’tirie d’aiffaire èt po vendre mon butïn
».
Voili, ç’ât lai moûe de c’te fanne qu’é bèyie le nom ès étch’lattes de lai moûe. Oh
! Ç’n’ât’p crainbïn tote lai voirtè, mains c’t’hichtoire li m’é fait piaîji èt m’é fait bïn riolait.
D’vaint de nôs tchiti, ès fât qu’i vôs dieuche d’allaie voûere ces Taignons ch’les lavons. Ề y é encoé ïn côp c’te vaprès. Ềs aint t’aivu bïn de lai r’quise les dous dris côps. Po ran â monde vôs ne daivïnt mainquaie si théâtre.
Èt bïn ç’ât tot po adjed’heû. I vôs tchvâ ïn bon duemoine èt ïn bon peûtou che vôs péssè è tâle.
{E. Affolter}
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Rfj 29 avril 2012
Amis du patois bonjour,
Les échelles de la mort.
Entre les Franches-Montagnes et le Plateau de Maîche, le Doubs fait frontière. Il coule au fond d’une gorge retirée et sauvage. Du côté de la France, une haute muraille de rocher et des échelles en fer. C’est la voie pour se rendre sur le plateau.
Ce sont les «
Les Échelles de la mort
». Dans le temps elles étaient faites en bois. Depuis, les amis des sentiers du Doubs en ont fait des escaliers bien costauds en fer. Toujours ces échelles ont servi les contrebandiers et tous les passeurs qui faisaient du petit trafic.
Mais pourquoi ce nom : Les Échelles de la mort
?
Je veux vous donner la version que m’a racontée un ami français. Un bandit avait volé les objets sacrés à l’église de Saignelégier. Il avait raflé tout ce qui était or et argent. Il était venu là se cacher.
Pendant ce temps les gendarmes avaient arrêté la belle-mère de ce vaurien. Ils l’avaient questionnée, torturée, afin de savoir où se cachait son beau-fils. Pour finir, ils lui ont promis beaucoup d’écus. Il faut dire que la belle-mère n’aimait pas son beau fils. Elle dit aux gendarmes :
- Je veux vous dire où se cache mon beau-fils mais il faut me laisser le temps de le retrouver.
Elle savait bien la cachette, mais elle voulait voir cette «
crevure
» une dernière fois. Alors elle va retrouver ce «
salopard
» et lui dit :
Je suis venu voir si tu ne manquais de rien. Je t’apporte de la nourriture et des habits propres. Tu dois rester ici, bien caché. Je veux revenir la semaine prochaine.
Lui, pas fou du tout, sachant que cette «
crevure
» de femme voudrait bien le voir en prison lui dit :
D’accord, vous allez me chercher tout cela, je vous attends.
La belle-mère monte les escaliers. Arrivée au milieu il se met à secouer ces échelles jusqu’au moment ou la belle-mère lâche prise. Elle tombe et va s’écraser la tête au fond de la vallée, sur une grosse pierre. Elle était morte.
Lui, tout réjoui, pensa : «
Voilà un beau travail de fait. Ce n’est plus cette femme qui va me causer du souci. Je peux songer maintenant à me tirer d’affaire et vendre mon butin
».
C’est la mort de cette femme qui a donné le nom aux échelles de la mort. Oh
! Ce n’est peut- être pas toute la vérité, mais cette histoire m’a fait plaisir et m’a fait bien rigoler.
Avant de nous quitter, il faut que je vous dise d’aller voir ces Taignons au théâtre. Ils jouent encore une fois cette après-midi. Ils ont eu bien du succès les deux dernières représentations. Pour rien au monde vous ne devez manquer ce théâtre.
Et bien c’est tout pour aujourd’hui. Je vous souhaite un bon dimanche et un bon appétit si vous passez à table.
E. Affolter