Publié : 1er décembre 2023

En lai banque

Bernard Chapuis

Publié dans le Quotidien Jurassien le 1 decembre 2023

En lai banque

En ç’temps-li, an payait ses impôts en ïn seul côp en lai fïn d’ l’annèe. Le contribuâbye était taxè tos les dous ans. Bïn chûr, tyaind qu’on ne paie ses impôts qu’ïn seul côp en fïn d’annèe, çoli fait ènne grante somme.

Ïn régent était â guichèt d’ lai banque en train de r’ytirie des sôs po paiyie ses impôts, quéques byats de cent. Èl entend qu’an l’aippele. È r’coégnât lai voix d’ïn ancien éyeuve qu’aittendait son toué dains lai quoûe. D’hèrtaidge en hèrtaidge, ci tchainçou s’était conchtrut ènne bèlle foûetchune. È pochédait trâs fèrmes, dous qu’èl aimôdiait, èt çtée qu’èl échploitait.

È v’niait en lai banque non po r’tyirie des sôs mains po en dépojaie chu son compte. È les aivait ch’ le dos dains ïn hâvresait.

Èl aivait voidgè ïn bon seuv’ni d’ l’écôle, çoli n’ l’empatchait pe d’yaincie des pityes és régents tchéque côp qu’èl en trovait yun chu son tch’mïn. Çtu d’vaint lu â guichèt, è l’ainmait bïn mains è n’ le ménaidgeait pe.

- Eh, qu’è yi dit, ces régents, ès en dyaindgnant des sôs po poéyait en r’tyirie ataint.

Son véye maître l’é bïn r’baquè.

- Moi, qu’è yi é réponju, è n’ me fât p’ïn sait po les poétchaie en la banque.

Note

èl aimôdait, il louait

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À la banque

A cette époque, on payait ses impôts en une seule fois à la fin de l’année. Le contribuable était taxé tous les deux ans. Naturellement, quand qu’on ne paie ses impôts qu’une seule fois en fin d’année, cela fait une grande somme.

Un instituteur était au guichet de la banque en train de retirer de l’argent pour payer ses impôts, soit quelques billets de cent. Il entend qu’on l’appelle. Il reconnaît la voix d’un ancien élève qui attendait son tour dans la file.

D’héritage en héritage, ce chanceux s’était construit une enviable fortune. Il possédait trois fermes, deux qu’il louait et celle qu’il exploitait. Il venait à la banque non pas pour retirer de l’argent mais pour en déposer sur son compte.

Il portait cet argent sur lui dans un sac à dos. De l’école, il avait gardé un bon souvenir, ce qui ne l’empêchait pas de railler les enseignants chaque fois qu’il en trouvait un sur son chemin.

Celui qui était devant lui au guichet, il l’aimait bien mais ne le ménageait pas pour autant.

- Eh, lui dit-il, ces instituteurs, ils en gagnent des sous pour pouvoir en retirer autant. Son vieux maître lui a bien répondu :

- Moi, lui dit-il, je n’ai pas besoin d’un sac à dos pour les porter la banque.

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