Paru dans LQJ du 12 juin 2015
Le ptèt Fèrnand pésse ses condgies tchie son graint-pére Anselme qu’était régent dains ènne de ces ptètes écôles d’lai Montaigne. L’Anselme é voidgie totes soûetches de mainies de son péssè d’raittèt. Èl ât aidé en train d’eurprendre çt’afaint chus tot : « Tïns-te d’aidroit ! Rote tes mains de tes baigattes ! Moétche-te, te n’vois pe que t’és d’lai nitçhe ! Coidge-te tiaind qu’les aidultes djâsant. Révije-me dains les oeûyes tiaind qu’i t’fais ènne remairtçhe ! » En pus, è n’ suppoétche pe les fâtes de frainçais. Lai fanne de l’Anselme, lai boènne Rosa, trove qu’è vait trop loin : « Léche-le voûere tranquille, te l’endoéreules d’aivô tes prïncipes. Di côp, è n’ veut pus v’ni tchie nôs. »
Èl ât médi. Ès sont en lai tâle. Èls aint fini lai prayiere poi ïn signe de croux.
Maindge tai sope, Fèrnand, dit lai graint-mére Rosa.
I n’ai p’de tyuyiere, répond l’afaint en patois.
Cment qu’te dirôs en frainçais ? quèchtionne le véye régent.
J’ai pas de cuiller.
Ç’n’ât p’djeute. Ô èt peus eurtïns bïn : « Je n’ai pas de cuiller. Tu n’as pas de cuiller. Il n’a pas de cuiller. Nous n’avons pas de cuiller. Vous n’avez pas de cuiller. Ils n’ont pas de cuiller. »
Le p’tèt rèvoéte son graint-pére tot émaiyi :
Mains, Pépé, laivou qu’èlles sont péssèes totes ces tyuyieres ?
Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Disparition
Le petit Fernand passe ses congés chez son grand-père Anselme qui était instituteur dans une classe unique des Franches-Montagnes. De sa carrière d’enseignant, Anselme a conservé nombre de manies. Il reprend l’enfant à tout propos : « Tiens-toi droit ! Enlève tes mains de tes poches ! Mouche-toi, tu ne vois pas que tu as la nique au nez ! Tais-toi quand les adultes parlent. Regarde-moi dans les yeux quand je te fais une remarque ! » En outre, il ne supporte pas les fautes de français. La femme d’Anselme, la bonne Rose, trouve qu’il exagère : « Laisse-le donc tranquille, tu l’agaces avec tes principes. A la fin, il ne voudra plus venir chez nous. »
Il est midi. Ils sont à table. Ils ont fini la prière par un signe de croix.
— Mange ta soupe, Fernand, dit la grand-mère Rose.
— I n’ai p’de tyuyiere, répond le gosse en patois.
— Comment dirais-tu en français ? questionne le vieil instituteur.
— J’ai pas de cuiller.
— Ce n’est pas correct. Écoute et retiens : « Je n’ai pas de cuiller. Tu n’as pas de cuiller. Il n’a pas de cuiller. Nous n’avons pas de cuiller. Vous n’avez pas de cuiller. Ils n’ont pas de cuiller. »
Intrigué, le petit regarde son grand-père.
— Mais, Pépé, où donc sont passées toutes ces cuillers ?
La chronique patoise du QJ en direct :
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