Le g’nie
Ïn g’nie, qu’ât-ce que ç’ât
? Y aî révisè dains les yévres des sciençous ço qu’ès en gréynaïnt. Tot-pyein de sôtches de g’nies : paitchie d’ène férme, d’aivésie dains les combyes po voidjaie les voûegnes â sa. Dains les mâsons d’adjd’heu, aissôtaïnt des diejainnes de leudgements, ïn g’nie fait paitchie di leudgement aimôdiè. È tchaindge d’aippéllâtion d’aiprés çtu que l’ôdjoiye. Çoli peut étre : ïn cabeu, ïn rédut, ïn fôre-tot, le bouédgé, le taudis. Ren su les g’nies de tchie nos
! Ïn g’nie dains nos caimpaignes, ç’ât âtre tchose. Totes les ancïnnes férmes int, â chain de yôte baîtisse, ène petéte mâson tot en bôs. Sains fenêtres, aissoidgie su quaitre aissâtes de murats de pîeres soitches po lai voidjaie â sa pe feûs des raites. Aivô tcheûsain de l’ôvraidge bïn fait, les véyes tchaipyous botaïnt tot lu saivoi pe fîertè è feuni ïn bon pe couéyat traivaiye. Ïn robuchte pyaintchie suppouétchaïnt les revétures de pyaitons, lai touéture. Â devaint, on aiménaidgie l’âllou. Ène maintelèe, froiynèe en l’hoile de vidaindge po empâtchie lai pyeudge de lai détrure, protédgie le bôs. Â dedains, des entchétres grôs dains le bés, pus petéts dains le hât. Es étaïnt ôdjoiyies po voidjaie les voûegnes d’ène séson en l’âtre pe les diffreintes réçattes po le ménaidge. Ïn aîrtche-bainc voùé les vétures di duemoûene, les paipies ïmpouétchaints de lai rotte étaïnt randgies feûs des chaîmes en cas d’ïncendie de l’hôtâ. Lai pôtche di g’nie, de pair lée, ène couriositè : poisainte, construte de pyaitons, renfoéchie de couéyattes trévoiches po sôteni les pamelles. Po envoidgeaie l’eûsure di bos pe le brut des étséyes tchaind on eûvrait lai pôtche, quéques virolles de tchu étaïnt pyaicies en lai tidge di gond. Lai sérrure pe sai cyé, ûevre d’art des mairtchas de ci temps-li, étaïnt robuchtes cmen le g’nie. L’aîdge d’ïn g’nie s’aiccouédge, è quéques an-nèes pras, en çtée de lai férme. Enson, su le lïnteau de lai pôtche d’entrèe de l’hôtâ sont graivèes l’an-nèe de sai conchtruction pe doux lattres, signou di méetre de l’ôvraidge. Les pyaitons des pus véyes g’nies n’étaïnt pon cyoulès, mains aissembyès aivô des tchvéyes de sâce. Ès sont encoué li adjd’heu pe odjoiyies mâgrè yôte aîdge. Çtu de mon vésïn aiffiche, scultès su le lïnteau de sai pôtche : trôs lattres I F F, le symbole chrétien pe l’an-nèe déchète cent chèpteinte.
Le saivoi-fait, le sné de nos aïyeux me lésse tote revirie.
Lai Babouératte
Le grenier
Un grenier, qu’est-ce que c’est
? J’ai regardé dans les dictionnaires ce qu’ils en écrivaient. Beaucoup de sortes de greniers : partie d’une ferme, d’habitude dans les combles pour garder les graines au sec. Dans les maisons d’aujourd’hui, comprenant des dizaines de logements, un grenier fait partie de l’appartement loué. Il change d’appellation d’après celui qui l’utilise. Ça peut être : une chambre borgne, un réduit, un fourre-tout, le galetas, le taudis. Rien sur les greniers de chez nous
! Un grenier dans nos campagnes, c’est autre chose. Toutes les anciennes fermes ont, à côté de leur bâtisse, une petite maison tout en bois. Sans fenêtres, posée sur quatre assises de pierres sèches pour la garder au sec et loin des souris. Avec souci de l’ouvrage bien fait, les vieux charpentiers mettaient tout leur savoir et fierté à fournir un bon et costaud travail. Un robuste plancher supportait les parois de madriers, la toiture. Au devant, on aménageait un vestibule. Une paroi extérieure, badigeonnée avec de l’huile de vidange pour empêcher la pluie de la détériorer, protégeait le bois. À l’intérieur, des casiers grands dans le bas, plus petits dans le haut. Ils étaient utilisés pour garder les graines d’une saison à l’autre et les différentes réserves pour le ménage. Une coffre-banc où les habits du dimanche, les documents importants de la famille étaient à l’abri des flammes en cas d’incendie de la maison. La porte du grenier, à elle seule, une curiosité : pesante, construite de madriers, renforcée de solides traverses pour soutenir les paumelles. Pour empêcher l’usure du bois et les crissements quand on ouvrait la porte, quelques rondelles de cuir étaient placées à la tige du gond. La serrure et sa clef, œuvre d’art des maréchaux de ce temps-là, étaient robustes comme le grenier. L’âge d’un grenier s’accorde, à quelques années près, à celui de la ferme. En haut, sur le linteau de la porte d’entrée de la maison sont gravées l’année de sa construction et deux lettres, signature du maître de l’ouvrage. Les madriers de plus anciens greniers n’étaient pas cloués, mais assemblés avec des chevilles d’aulne. Ils sont encore là aujourd’hui et utilisés malgré leur âge. Celui de mon voisin affiche, sculptés sur le linteau de sa porte : trois lettres I F F, le symbole chrétien et l’année dix-sept cent septante.
Le savoir-faire, la jugeote de nos aïeux me laisse toute émue.
La Coccinelle