Djasans
Patois Jurassien

Djasans Patois Jurassien

Un voleur précoce
Ïn djûene laîre
Bernard Chapuis
Article mis en ligne le 24 avril 2020
dernière modification le 8 mai 2020

par Fleury Louis-Jos.

Publié dans le Quotidien Jurassien le 24 avril 2020

Ïn djûene laîre

Cés qu’aint r’pris lai mâjon d’ l’Auguste, ç’ât des braves oeûvries, hannètes èt tot. Lâmoi, èls aint ïn probyème d’aivô yote boûebat, le driere d’ lai rote. È voule. Sacré nitiou ! Ç’ât pus qu’ènne mainie, ç’ât ïn troubye, c’ment qu’ l’é échpyiquè ïn chpéchialichte és poirents. En lai craîtche, è pityait dje les béblats de ses p’tèts caim’rades. En premiere annèe, çoli n’ s’ât p’airrandgie. È d’maindait po allaie és aîgeainces èt peus èl en profitait po chneuquaie dans les vétures seuchpendues és cretchtats. Ïn djoué, èl é pityè des sos dains l’ mainté d’ lai maîtrasse. Çtée-ci que s’ méfiait aivait botè ènne poudre dains les baigattes. Tiaind qu’è feut de r’touè, lai régente l’é envie s’ laivaie les mains â poulat. Èl ât r’veni d’aivô des mains totes bieuves.

Les poirents échpérïnt que çoli rât’rait en lai djeveince. Mains c’était aidé pé. È s’ât botè è voulaie dains les grants maigaisïns. Mâ yi en pré. È s’ât fait pâre lai main dains l’ sait. È s’ sâvait d’aivô des tchâssures de foot que valyïnt pus d’ cent francs. È feut râtaie èt interrodgè poi l’ djuge des afaints. C’était ïn hanne bïnveuyaint. Ci djûene volou, çoli airait poéyu étre son boûebe.

- T’és voulè ces tchâssures, qu’é yi dit. Te le recoégnâs. Ât-ce qu’és pensè en ton aiv’ni ?
- Nian, Chire. Âtrement, i les airôs pris pus grantes.

Notes
les béblats, le jouets
és aîgeainces, aux toilettes
Lâmoi, hélas
lai djeveince, l’adolescence


Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Un voleur précoce

Les personnes qui ont acheté la maison d’Auguste sont de braves ouvriers, des gens honnêtes. Hélas, ils ont un problème avec leur dernier garçon. Il chaparde. Sacré gamin. C’est plus qu’une manie, c’est une pathologie, comme l’a expliqué un spécialiste aux parents. À la crèche, il dérobait déjà les jouets de ses petits camarades. En première année, ça ne s’est pas arrangé. Il demandait la permission d’aller aux toilettes et en profitait pour fouiller dans les habits suspendus au vestiaire. Un jour, il a dérobé de l’argent dans le manteau de la maîtresse. Celle-ci, méfiante, avait mis une poudre dans les poches. Quand il fut de retour, l’enseignante l’envoya se laver les mains au robinet. Il revint les mains toutes bleues.

Les parents espéraient que cette tendance disparaîtrait à l’adolescence. Au contraire, elle empira. Il se mit à voler dans les grands magasins. Mal lui y en prit. Il s’est fait pincer la main dans le sac. Il s’enfuyait avec des chaussures de foot qui valaient plus de cent francs. Il fut intercepté et interrogé par le juge des mineurs. C’était un homme bienveillant. Ce voleur précoce aurait pu être son fils.

- Tu as volé ces chaussures, lui dit-il. Tu le reconnais. Est-ce que tu as pensé à ton avenir ?
- Non, Monsieur. Autrement, je les aurais prises plus grandes.