Publié dans le Quotidien Jurassien le 27 janvier 2023
Ïn moétché de tchoix
An féte les 90 ans d’ lai Bèrthe tchie ç’t’Albert. Po ci grand djouè, ès aint louè le local de lai fanfoére que son hanne – Dûe euche son aîme - é dirigie pus d’ quairante ans. Â murat, è y é son pourtrèt, ïn grant tâbyau fait poi ïn môlou di dûemoinne.
En l’aipéritif, di vïn de Boé, d’ l’aindoéye en l’â, di toétché en lai fraiyûre. An se chmoutse, an baboèye, an étchainge des novèlles, tot hèy’rous de se r’trovaie. Tot l’ monde ât de bon aigrun, sâfe lai p’tète Yadine poéche qu’an yi ont confisquè son portabye. Èlle fait lai dyeule duraint tot le r’cegnon, èlle pitchene, èlle en léche chus son aissiete, mais èlle se veut raittraipaie â déssietche. Pensèz donc, ènne taîrte â chocolat d’aivô d’ lai creinme fouattèe, lée que l’aidore. Èlle engoule son moéché èt èlle en r’demainde ïn doûejeme. «
Nian
» dit sai mére qu’é des principes.
 café, ènne touènée de damé d’ lai Bairoitchhe, lai moyoue. Oscar, le pus véye boûebe d’ lai Bèrthe, çtu qu’ât dains les aifféres, d’mainde le silence. «
Mai fanne vait djûere quéques moéchés â piano.
» Lai piainichte ât brâment aippiâdgie. Èlle s’aippreutche de Yadine que boque dains son coin.
-Mitnaint, i veus djûere ran que po toi .Yadine, qué moéché te f’rait piaiji
?
-Ïn moéché de taîrte â chocolat.
Notes
èlle pitchene, verbe pitchenaie, elle mange du bout des doigts, elle pignoche, elle picore
----
Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Un morceau de choix
On fête les 90 ans de la Berthe chez Albert. Pour ce grand jour, les proches ont loué le local de la fanfare que feu son homme a dirigé pendant plus de quarante ans. Au mur est accroché son portrait, un grand tableau réalisé par un peintre du dimanche.
À l’apéritif, du vin de Buix, de la saucisse à l’ail, du gâteau à la crème. On s’embrasse, on bavarde, bavarde, on échange des nouvelles, heureux de se retrouver. Tout le monde est de bonne humeur, sauf la petite Claudine, à qui on a confisqué le portable. Elle pousse la trogne durant tout le repas, elle picore, elle en laisse sur son assiette, mais pense bien se rattraper au dessert. Une forêt noire avec de la crème fouettée, son dessert préféré. Elle engloutit littéralement sa portion et en réclame une deuxième. «
Pas question
», dit sa mère qui a des principes.
Au café, une tournée de damassine, celle de la Baroche, c’est la meilleure. Le fils aîné de la Berthe, Oscar, qui est dans les affaires, demande le silence. «
Ma femme va interpréter quelques morceaux au piano.
» La pianiste est longuement applaudie. Elle s’approche de Claudine qui boude dans son coin.
-Maintenant, je vais jouer spécialement pour toi. Quel morceau te ferait plaisir
?
-Un morceau de forêt noire.
{ {{Les chroniques patoises de Bernard Chapuis en 2022- 23}} }
{{ {Toutes les chroniques patoises de Bernard Chapuis} }}