Publié : 11 septembre 2015

Le secret

Le ch’crèt

Bernard Chapuis

Paru dans LQJ du 11 septembre 2015

Le ch’crèt

Cment qu’è yi faiyait di foin po ses bétes, Thiophile ât montè â tchéfâd d’aivô ènne étchiele. Èl en é fotu en vâ quéques braissies. Tiaind qu’èl é vlu eurdéchendre, pus d’étchiele. « Ç’ât mon vâlat l’é r’botè en piaice. Hé, Zidore, t’és li ? » Pe d’ Zidore, pe d’étchiele. « Çoli n’ fait ran, qu’è s’ dit. I m’veus léchie tçhissie. » Mains dâ tchéfâd djunqu’â sô, è y é cïntye bons métres. Mon Thiophile ât mâ tchoé èt s’ât toûeju lai tchevéille drète. È n’poéyait pus se r’yeuvaie. È breûyait cment ïn vé. Sai fanne airrive tot anxiouse.
- Mon Dûe, Thiophile, qu’ât-ce t’és fait ?
- I seus tchoé di tchéfâd. Crais bïn qu’i m’seus fait ènne entorse.
- Ne t’en fais p’, Thiophile, t’n’és p’ le premie. I t’ veus condure tchie ci Schnegg que fait le ch’crèt.

Le Schnegg é bredoiyie quéqu’s prayieres, èl é fait des éverbés. « T’és bïn fait de v’ni tot comptant, Thiophile. Dains ènne hoûere, te n’veus pus ran senti. Rentre en l’hôtâ, coutche-te chu ton yét, èt peus dis ïn pater, ïn ave èt ïn gloria. »

En paitchaint, è trébeuche ch’les égrès ét se toûed la tchevéille gâtche.
- Miedge, i n’y r’toène pus. Qu’an n’ me djâse pus de ch’crèt !

Sai fanne l’é condut és urgences. Èls yi aint bèyie des bésquèyes èt peus ènne londye yichte de rmédes. Èl en eut po chés snainnes. È boétaye encoé.


Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis

Le secret

Comme il avait besoin de foin pour ses bêtes, Théophile est monté fenil à l’aide d’une échelle. Il en a jeté au sol quelques brassées. Quand il a voulu redescendre, plus d’échelle. « C’est mon domestique qui l’a remise à sa place. Hé, Izidore, tu es là ? » Pas d’ Izidore, pas d’échelle. « Ce n’est rien, se dit-il. Je vais me laisser glisser. » Mais, du fenil au sol, il y a au moins cinq mètres. Théophile est mal tombé et s’est tordu la cheville droite. Il ne pouvait plus se relever. Il braillait comme un veau. Sa femme arrive tout angoissée.

—  Mon Dieu, Théophile, qu’est-ce que tu as fait ?

—  Je suis tombé du fenil. Je crois bien que je me suis fait une entorse.

—  Ne t’en fais pas, Théophile, tu n’es pas le premier. Je vais te conduire chez un certain Schnegg qui fait le secret.

Le Schnegg en question a bredouillé quelques prières, il a fait des gesticulations. « Tu as bien fait de venir tout de suite, Théophile. Dans une heure, tu ne sentiras plus rien. Rentre chez toi, couche-toi sur ton lit et dis un Notre père, un Je vous salue et un Gloire au Père. »

En sortant, il trébuche sur les marches de l’escalier et se tord la cheville gauche.

—  Zut, je n’y retourne plus. Qu’on ne me parle plus de secret !

Sa femme l’a conduit aux urgences. On lui a donné des béquilles et une longue liste de remèdes. Il en eut pour six semaines. Il boitille encore.


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