Publié dans le Quotidien Jurassien le 2 juin 2023
Le r’toué di soudait
Source : Jean-Marie Voirol, Porrentruy
Le c’maindaint é breûyè : «
Rompèz
!
» Èl é aidjoutè en y’vaint les brais : «
Bon r’toué tchie vôs
!
» Peus èl ât péssè dains les rangs èt èl é bèyie ènne empâmèe en tchétyun. C’était yote drie coué. Les soudaits ne v’lïnt p’ se tyittie dïnche. Tchairdgis de yote fourbi, ès s’ sont dichpaîtchis dains les cabairèts d’ lai piaice.
L’Albèrt èt l’ Thiophile sont montès dains l’ train po Poérreintru.
- Te sais quoi, dit l’ Thiophile. Ç’ n’ât p’ che s’vent qu’an peut s’ pèrmâtre ïn pô de tchie-bridâ. S’en yûe d’ rentraie direct en l’hôtâ, nôs allyïns bèyie l’ bondjouè en ç’ Gus è Tchairnoéye Çoli yi f’rait pyaiji.
Ès sont airrivès tchie lu d’aivô lai pochte â moitan d’ lai vâprèe. Le Gus feut tot hèy’rou d’ les r’cidre. Ès aint bu des voirres, maindgie di p’tèt laîd, djûe és câtches. Voi les cïntye, l’Albèrt dit : «
Mit’naint, ç’ât l’ môment d’ rentraie. È y é ènne pochte que déchend taintôt.
»
- Rentre s’ te veus, répond le Thiophile. Moi, i d’moére. Lai paitrone é aiyûe lai moirande. I yos veus t’ni compaignie.
L’Albèrt ât paitchi. Aiprès lai moirande, le Thiophile s’ât yevè.
- Siete-te pie , yi dit l’ Gus. È n’y é pus d’ pochte en çt’hoûere-ci. Te dremirés tchie nôs. Nôs n’ains qu’ïn yét, mains nôs se v’lans bïn chiquaie. Mai fanne coutch’ré à drète. Moi, i m’ veus botaie â moitan, èt peus toi, te t’ bot’rés è gâtche.
Ch’ le côp des trâs di maitïn, le Gus ât révoiyie poi l’ Thiophile que pésse poi d’chus lu :
- I t’y prends, qu’è yi dit. T’allôs voûere mai fanne.
- Nian, i en r’vïns.
Notes
tchie-bridâ, liberté
ènne empâmèe, une poignée de main
èlle é aiyûe lai moirande, elle a préparé le souper
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Le retour du soldat
Le commandant a dit d’une voix forte : «
Rompez
!
» Il a ajouté en levant les bras : «
Bon retour chez vous
!
» Puis il a passé dans les rangs et donné une poignée de main à chacun. C’était leur dernier cours. Les troufions ne voulaient pas se quitter chargés de leur équipement, ils se sont dispersés dans les bistrots de la place.
Albert et Théophile sont montés dans le train pour Porrentruy.
- Tu sais quoi, dit Théophile. Ce n’est pas si souvent qu’on peut se permettre un peu de liberté. Si, au lieu de rentrer directement à la maison, nous allions saluer ce Gustave à Charmoille. Ça lui ferait plaisir.
Ils sont arrivés chez lui avec le car postal au milieu de l’après-midi. Le Gus fut tout heureux de les recevoir. Ils ont bu des verres, mangé du petit lard, joué aux cartes. Vers les cinq heures, Albert dit : «
Maintenant, C’est le moment de rentrer. Il y a une poste qui descend bientôt.
»
- Rentre si tu veux, répond Théophile. Moi, je reste. La patronne a préparé le souper. Je leur tiendrai compagnie.
Albert est parti. Après le souper, Théophile s’est levé.
- Rassieds-toi, lui dit Gustave. Il n’y a plus de poste à cette heure-ci. Tu dormiras chez nous. Nous n’avons qu’un lit, mais on va bien s’arranger. Ma femme couchera à droite. Moi, je me mettrai au milieu, et toi, tu te mettras à gauche.
Vers les trois heures du matin, Gustave est réveillé par Théophile qui l’enjambe :
- Je t’y prends, lui dit-il. Tu allais voir ma femme.
- Non, j’en reviens
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