Publié : 25 janvier 2018

Emmaüs

Émmayuche

Jean-Marie Moine, Arc Hebdo janvier 2018

Émmayuche

L’ aibbé Piere é orinè lai fondâchion qu’ èl é nanmè Émmayuche en 1949. Dâs l’ èc’mence, ç’te fondâchion ât v’ni en éde è brâment d’ déjhèrtès. En 1954, tiaind qu’ i étôs en lai nôrmâ l’ Écôle, i aî daivu faire ïn éch’pôjè chus ç’te b’néâchion. Po bïn faire ci traivaiye, i aî péssè mes condgies d’ tchâtemps è Neuilly-Pyaisainche, vés Pairis, laivoù qu’ l’ aibbé Pierre aivait orinè ïn premie ceintre. Poi tchaince, tiaind qu’ i airrivé, l’aibbé Piere était li. È me r’ceyé daivô ènne échtréme chïmpyichitè, pe m’ dié qu’ èl était bïn aîge qu’ i v’nieuche voûere ïn pô ç’ que s’ péssait è Émmayuche. Tot comptant è m’ bèyé ïn traivaiye qu’ âtiun des traivaiyous qu’ étïnt li n’ poéyïnt faire : è s’aidgéchait d’yére (trier), d’ çhaichie des m’yiéyies d’ yivres qu’ étïnt entéchie dains l’ câre d’ ïn locâ, d’ les enr’dgichtraie pe d’les raindgie chus ïn grôs métra qu’ ci Nènès était en train d’ conchtrure. I m’ muse mit’naint qu’ ch’ i aivôs t’ aivu ènne botouse en oûedre, i airôs fait pus soîe. Enfïn, è m’ é bïn fayu ènne grôsse s’nainne po faire ci traivaiye. Po ïn pô m’ feursôlaie, i allôs vés ci Mimil, pe i y’ édôs è breûlaie ç’ qu’ è s’ fayait débairraichie, é câssaie di voire contre ïn grôs mûe, obïn è démiss’laie totes soûe-tches de tchôses, en pregnaint bïn tieûsain de n’ ran tchaimpaie de ç’ qu’ an poérrait rétropaie. D’ âtre paît, i édôs ces dgens c’ment qu’ i l’ poéyôs. Pus d’ ïn côp i seus t’ aivu en ç’ qu’ èls aipp’lïnt lai chïnne. Çoli conchichtait è allaie dains des immoubyes pe è débairraichie des tiaives, des d’gnies, des côps des leudg’ments enties. An tchairdgeait tot çoli chus des fouér-gons pe an l’ raimoinnait è Neuilly-Pyaisainche. Li, c’ment qu’ è y’ aivait des dgens d’ ïn pô tos les méties, ès yéjïnt, rétropïnt tot ç’ qu’ ès poéyïnt, pe débairraichïnt, voûere breûlïnt (c’é-tait l’traivaiye de ci Mimil) totes les encombres. I aî aippris brâment d’ tchôse â moitan de ç’te faimille de dgens d’ tot baid, en dichcutaint daivôs yôs, en maindgeaint en yôte tâle, en paitaidgeaint mes neûts daivô yôs dains ïn grôs locâ aiménaidgie po çoli. L’ aibbé, ç’ ât dïn-che que tot l’ monde l’aipp’lait è Émmayuche, v’niait dous côps poi s’naine po voûere che tot s’ péssait d’aidroit, po pâre des novèlles de tos ces défaivris, les ôyi, les encoéraidgie, pe po dire ai mâsse. C’ment qu’ è m’ é d’maindè ch’ i v’lôs étre menichtraint, i aî t’ aivu lai djoûe pe l’metirou l’hanneur de sèrvi sai mâsse. L’ aibbé, i vôs r’mèchie po tot l’ bïn qu’ vôs èz fait ! J-M. Moine

Emmaüs

L’abbé Pierre a créé la fondation qu’il a nommé Emmaüs en 1949. Depuis le début, cette fondation est venue en aide à beaucoup de déshérités. En 1954, alors que j’étais à l’Ecole normale, j’ai dû faire un exposé sur cette fondation. Pour bien faire ce travail, j’ai passé mes vacances d’été à Neuilly-Plaisance, près de Paris, où l’abbé Pierre avait créé un premier centre. Par chance, quand je suis arrivé, l’abbé Pierre était là. Il me reçut avec une extrême simplicité, et me dit qu’il était content que je vienne un peu voir ce qui se passait à Emmaüs. Tout de suite, il me donna un travail qu’aucun des travailleurs qui étaient là ne pouvait faire : il s’agissait de trier, de classer des milliers de livres qui étaient entassés dans le coin d’un local, de les enregistrer et de les ranger sur une grande étagère que Nènès était en train de construire. Je pense maintenant que si j’avais disposé d’un ordinateur, j’aurais fait plus facilement. Enfin, il m’a bien fallu une grande semaine pour faire ce travail. Pour un peu me défatiguer, j’allais vers Mimil, et je l’aidais à brûler ce dont il fallait se débarrasser, à casser du verre contre un grand mur, ou à démonter toutes sortes de choses en prenant bien soin de ne rien jeter de ce qu’on pourrait récupérer. Par ailleurs, j’aidais ces gens comme je le pouvais. Plus d’une fois j’ai été à ce qu’ils appelaient la chine. Cela consistait à aller dans des immeubles et à débarrasser des caves, des greniers, parfois des logements entiers. On chargeait tout cela sur des fourgons et on le ramenait à Neuilly-Plaisance. Là, comme il y avait des gens d’un peu tous les métiers, ils triaient, récupéraient tout ce qu’ils pouvaient, et débarrassaient, voire brûlaient (c’était le travail de Mimil) toutes les encombres. J’ai appris beaucoup de choses au milieu de cette famille de gens de tout bord, en discutant avec eux, en mangeant à leur table, en partageant mes nuits avec eux dans un grand local aménagé pour cela. L’abbé, c’est ainsi que tout le monde l’appelait à Emmaüs, venait deux fois par semaine pour voir si tout se passait correctement, pour prendre des nouvelles de tous ces défavorisés, les écouter, les encourager, et dire la messe. Comme il m’a demandé si je voulais bien être le servant de messe, j’ai eu la joie et l’immense honneur de servir sa messe. Abbé, je vous remercie pour tout le bien que vous avez fait ! J.-M. Moine