Djasans
Patois Jurassien

Djasans Patois Jurassien

Publié dans le Quotidien Jurassien le 4 juillet 2025

Les sayous

Dains l’ temps, les rètches paiyisains de lai Montaigne embautchïnt des sayous d’ lai pyainne po lai fenéjon. Chu ïn grant bïn, è poéyait y aivoi djusqu’è vïngt ôvries que se cheûyïnt. Ès aicmencïnt è sayie és trâs di maitïn po profitaie d’ lai rojèe. Ès s’ râtïnt po meûlaie yos fâs. Voi les chés, lai paiyisainne aippoétchait le p’tèt dédjunon èt en la fïn, les sayous aivïnt drèt è ïn voirre de vïn. Ran qu’ïn voirre poi sayou, pe pus.

C’était aidé dïnche dains ènne grante fèrme d’ lai Montaigne d’ lai sens d’ lai Lairdge Djouénèe. Tiaind qu’ lai fèrmiere voichait â drie sayou, è ne d’moérait pus ènne gotte de vïn dains lai beurtchie. Les sayous s’ dotïnt qu’ l’aivairiciouse fèrmiere mejurait le vïn â voirre près d’vaint que de paitchi.

Ïn maitïn, yun des sayous, en accoûe d’aivô ses caim’rades, en é bu dous voirres. Airrivèe â drie sayou, lai fermiere feut tot ébâbie de n’ poéyaie p’ le sèrvi. « È m’manque di vïn, qu’èlle dit. Poétchaint, i aivôs bïn m’jurie d’vaint que d’ paitchi. »

Tos les sayous se sont fotus d’ sai dyeule. Le pus véye, ïn grant saidge, yi dit : « Voili ç’ que ç’ât d’étre trop prés d’ ses sôs. »

Note
lai beurtchie, la cruche


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Les faucheurs

Autrefois, les riches paysans de la Montagne embauchaient des faucheurs de la plaine pour la fenaison. Sur un grand bien, il pouvait y avoir jusqu’à vingt ouvriers qui se suivaient. Ils commençaient à faucher à trois heures du matin pour profiter de la rosée. Ils s’arrêtaient pour aiguiser leurs faux. Vers les six heures, la paysanne apportait le petit déjeuner et, à la fin, les faucheurs avaient droit à un verre de vin. Un seul verre par faucheur, pas plus.

C’était le cas dans une grande ferme du côté de la Large Journée. Quand la fermière parvenait au dernier faucheur, il ne restait plus une goutte de vin dans la cruche. Les faucheurs se doutaient bien que l’avaricieuse fermière mesurait le vin au verre près avant de partir.

Un matin, un des faucheurs, en accord avec ses camarades, en a bu deux verres. Arrivée au dernier faucheur, la fermière s’étonna de ne pouvoir le servir. « Il manque du vin, dit-elle. Pourtant, j’avais bien mesuré avant de partir. »

Tous les faucheurs se sont moqués d’elle. Le plus âgé, un grand sage, lui dit : « Voilà ce que c’est d’être trop près de ses sous. »

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