Publié dans le Quotidien Jurassien le 2 mai 2025
Ènne remairtçhe dépyaicie
Source : Jean-Marie Voirol
Lai Mairie était ènne féye-mére. L’hanne que l’aivait engrochie aivait dichpairu. Des fèrmies l’aivïnt r’tyeuyie d’aivô son afaint. Èlle était li cment en l’hôtâ. Èlle trimait di maitïn â soi. Èlle prépairait les r’cegnons, f’sait lai bûe, tenyait l’ ménaidge. Lai paitronne yi f’sait entier’ment confiaince.
Les paitrons aivïnt âchi r’tyeuyi Djôsèt, ïn p’tèt oûerfenat qu’ès aivïnt éy’vè. Djôsèt était dev’ni l’hanne è tot faire, è s’ottyupait des bétes, allait en lai tchairrue, fendait l’ bôs, épandait l’ femie. Le paitron ne poéyait pus se péssaie d’ lu. È n’airait djemais trovè moyou valat.
Le foin qu’è botait dains les raitlies, è le prenyait ch’ le solie èt le tyissait poi ïn beûyat dains l’ pyaintchie. Ïn soi, è rébyé d’ çhoûere l’euvtchure èt ïn ptèt boûebat qu’ le cheûyait tot poitchot ât tchoé d’dains. Poi tchaince, è n’é t’aivu qu’ènne entoéche. An l’ont poétchè tchie lai Rosalie que yi é fait le ch’crèt.
Ç’ât tai fâte, Djosèt, dit lai Mairie. Ç’ât toi qu’é rébyè de çhoûere ci beûyat.
Tot l’ monde peut rébyaie âtye, Mairie. Même le Bon Dûe. Èl é rébyè de te bèyie ïn mairi.
Çte poûere fanne se boté è pûeraie. Le Djosèt s’ât rendu compte ïn pô taid que sai remairtçhe était dépyaicie.
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Une remarque déplacée
Marie était une fille-mère. L’homme qui l’avait mise enceinte avait disparu. Des fermiers l’avaient recueillie avec son enfant. Elle était chez eux comme à la maison. Elle trimait du matin au soir. Elle préparait les repas, faisait la lessive, tenait le ménage. La patronne lui faisait entièrement confiance.
Les patrons avaient aussi recueilli Joseph, un petit orphelin qu’ils avaient élevé. Joseph était devenu l’homme à tout faire, il s’occupait des bêtes, allait à la charrue, fendait le bois, épandait le fumier. Le patron ne pouvait pas se passer de lui. Il n’aurait jamais trouvé un meilleur domestique.
Le foin qu’il répartissait dans les râteliers, il le prenait dans le fenil et le glissait par un trou dans le plancher. Un soir, il oublia de refermer cette ouverture, et un petit garçon qui le suivait partout tomba dedans. Par chance, il s’en tira avec une entorse. On le transporta chez Rosalie qui lui fit le secret.
C’est ta faute, Joseph, dit Marie. C’est toi qui as oublié de fermer ce passage.
Tout le monde peut oublier quelque chose, Marie. Même le Bon Dieu. Il a oublié de te donner un mari.
La pauvre femme se mit à pleurer. Joseph se rendit compte, mais un peu tard, que sa remarque était déplacée.
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