Par : Fleury LJ
Publié : 22 septembre 2013

Roi des forêts

Roi des bôs

Lai Babouératte

Roi des bôs

Saiplat, y n’étôs pon bé ! Crâte â moitan des bôs voùé lai pyaice po éleûchè ses braintches ât rétrossèe, réve lai byatè és fuattes. D’ène san ce feut ène tchaince po moi ! Nyün ne me trovè prou bé po étre saipïn de Nâ. Dïnche lai, y aî crâ en tchie-bridâ. Bïn des an-nèes pus taîd, les copous aivô loûes haitches, tchenias, savoûere, se sont aimouénès pe m’int raissie â pîed de mai fonte. Le fraicais de mai tchoi é rétouénè bïn lèvi. Po saivoi mon aîdge, le banvaîd s’aidgenouye côte mai fonte pe se bote è comptaie les soiches. És copous è déchére : « Ci saipïn, mâgrè ses quaitre-vïnt-chèt ans, ât saïn, pépe ène traice de voirmine. È peut étre ôdjoiyie entîerement ». Voili poquoi, quéques an-nèes pus taîd, y me seus retrovè, pai mouéchés, pus è mons grôs, égréynès ïn po paitchot. Potres méetrasses de tchairpente de graindge. Raîssie en lavons, y me seus retrovè en robuchtes tâles de tcheusènes d’hôtâs, de cabarêts, de baincs, de tabouérats. Les mnusies m’int odjoiyie po lai laimbretchure di poiye, maiynaie ïn bré, ïn tchaimelé. Mes braintches int pessèes en feussés. Dains les myons, le bricolou é sôetchi ïn moncé de baibiôles. Pyaintchattes è tchaipyaie les brâtelles, les ouégnons ; revires-cap ; bibis. Ren ne feut mâvyè. Raisson, écherons, bûchilles int encoué sèrvi, en cossnaint dôs les tchaimbons, les andouéyes dains l’étôffou. Des encrâts ? Ïn saipïn ne sairait en aivoi. Tchaind les copous m’int aibaittu, mes pives int étyaffèes pai térre, ébouélaint les voûegnes. Aivô vidyou, élles int pris raicène. Pon de tcheusins è aivoi les afaints ; les saiplats de Nâ crâssant è fouéson dains nos bôs és Fraintches-Montaignes Lai Babouératte

Roi des forêts

Petit sapin, je n’étais pas beau ! Poussé au milieu des forêts, où la place pour étendre ses branches est restreinte et ôte la beauté aux épicéas. D’un côté ce fut une chance pour moi ! Personne ne m’a trouvé assez beau pour être sapin de Noël. Comme ça, j’ai poussé en toute liberté. Bien des années plus tard, les bûcherons, avec leurs haches, coins d’abattage, scie à deux poignées, se sont amenés et m’ont scié au pied de mon tronc. Le fracas de ma chute a résonné bien loin. Pour savoir mon âge, le garde-forestier s’agenouille contre mon tronc et se met à compter mes cernes. Aux bûcherons, il déclare : « Ce sapin, malgré ses quatre-vingt-sept ans, est sain, pas même une trace de vermine. Il peut être utilisé entièrement ». Voilà pourquoi, quelques années plus tard, je me suis retrouvé, par quantités plus ou moins grandes, éparpillé un peu partout. Poutres maîtresses de charpente de grange, scié en planches, je me suis retrouvé en robustes tables de cuisines, de bistrots, de bancs, de tabourets. Les menuisiers m’ont utilisé pour la boiserie de la chambre de ménage, fabriquer un berceau, un petit banc. Mes branches ont passé en barreaux de râtelier. Dans les déchets, le bricoleur a sorti un tas de babioles : planchettes à couper les ciboulettes, les oignons ; girouettes ; jouets. Rien ne fut gaspillé. Sciure, copeaux, bûchilles ont encore servi, en se consumant sous les jambons, les saucisses dans le fumoir à viande. Des regrets ? Un sapin ne saurait en avoir. Lorsque les bûcherons m’ont abattu, mes pives ont éclaté par terre, éparpillant mes graines. Avec vigueur, elles ont pris racine. Pas de soucis à avoir les enfants ; les sapins de Noël poussent à foison dans nos forêts aux Franches-Montagnes. La Coccinelle