Publié dans le Quotidien Jurassien le 10 novembre 2023
Voidgie ïn moûe
An maintçhait d’ régents. Les Normaliens en fïn d’étudye feunent libérès po ottyupaie les pochtes vaicaints. C’était quasi aidé des p’tètes écôles retyiries dains des coins predjus, le Sèrdgeint-chu-Villerèt, l’Envie de Chonv’lie, Le Pèrceux. I feus envie è Soubey. Trente-trâs éyeuves de lai premiere en lai neuvieme, rétchâles èt dichipyinès. An entendait les moûetches voulaie. Dâ quaitre ans â moins, ces afaints n’aivïnt aivu que des rempyaiçaints.
I étôs li dâ è poène ïn mois. Le maire me dit : «
Le véye crevoij’rat ât moûe. Ç’ât lai coutyume tchie nôs de voidgie les moûes. Vôs y âdrèz d’aivô ci Fèrnand. È vôs veut v’ni tçhri ci soi.
»
C’était quasi ïn oûedre. È n’y aivait p’è dichcutaie. Le véye crevoij’rat vétyait d’avô sai sœur èt son frére dains ènne poûere maij’natte d’ lai sens di bené de Valbèrt. Âtiun des trâs n’était mairiè. Nôs y sons montès â meûcie di s’raye. Lai sœur di moûe nôs aittendait ch’ le rèdyèt d’ lai po’uetche. Èlle aivait prépairé ch’ lai tâle di pain, di laid, d’ l’âindoye, di fromaidge. È y aivait âchi ènne botaye de grôs roudge èt dous voirres. Nôs n’y ons p’ toutchi. Lai fanne nôs é dit boènne neût èt peus èlle ât allèe â yét. Nôs ains étendu nos maintés ch’ le pyaintchie d’lai tieûjènne èt peus nôs s’ sons coutchis taint bïn qu’ mâ po taitchi d’ dremi. Ç’ n’était p’ des pus confortâbyes. Les beutchures nôs aint révoyies.
Le lend’main, i aî r’vu mon aimi Fèrnand. Èl aivait mâ â dos. I n’en m’nôs pe lairdge non pus.
Notes
Rétchâles, dociles
Les beutchures, les courbatures
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Ecouter la chronique lue par Bernard Chapuis
Veiller un mort
On manquait d’instituteurs. Les Normaliens en fin d’étude furent libérés pour occuper les postes vacants. Essentiellement des petites écoles retirées dans des coins perdus, le Sergent-sur-Villeret, l’Envers de Sonvilier, Le Perceux. Je fus envoyé à Soubey. Trente-trois élèves de la première à la neuvième, dociles et disciplinés. On entendait les mouches voler. Depuis quatre ans au moins, ces enfants n’avaient eu que des remplaçants.
J’étais là depuis un mois à peine. Le maire me dit : «
Le vieux cordonnier est mort. C’est la coutume chez nous de veiller les morts. Vous y irez avec Fernand. Il viendra vous chercher ce soir.
»
C’était presque un ordre. Il n’y avait pas à discuter. Le vieux cordonnier vivait avec sa sœur et son frère dans une pauvre maisonnette en direction de la fontaine de Valbert. Aucun des trois n’était marié. Nous y sommes montés au crépuscule. La sœur du défunt nous attendait sur le pas de la porte. Elle avait préparé sur la table du pain, du lard, de la saucisse, du fromage. Il y avait aussi une bouteille de gros rouge et deux verres. Nous n’y avons pas touché. La femme nous a souhaité bonne nuit et elle est allée se coucher. Nous avons étendu nos manteaux sur le plancher de la cuisine et nous nous sommes couchés tant bien que mal pour tenter de dormir. Ce n’était pas des plus confortables. Les courbatures nous ont réveillés.
Le lendemain, j’ai revu mon ami Fernand. Il avait mal au dos. Je n’en menais pas large non plus.
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